Le premier opus de la licence Deus Ex, sorti en l’an 2000 sur PC, a rapidement séduit les joueurs grâce à son univers cyberpunk et à son mélange FPS/jeu de rôle. Porté en 2002 sur PlayStation 2, ce premier essai est vite devenu culte. Les développeurs de l’époque (Ion Storm) et Eidos Interactive ont voulu surfer sur ce succès en offrant une suite répondant au nom de Deus Ex : Invisible War. Malheureusement, l’aspect plus grand public, avec son côté très balisé, et le développement multiplateforme l’ont empêché d’atteindre le niveau de qualité de son prédécesseur. L’éditeur a alors décidé de laisser sa licence de côté, jusqu’en 2007 du moins. C’est cette année-là qu’a été annoncé
Deus Ex : Human Revolution
, même si la communication autour du projet a réellement débuté en 2010. Les petits gars d’
Eidos Montreal avaient alors une lourde tâche : réussir à faire revenir la série sur le devant de la scène, avec un nouvel opus attendu sur les consoles HD et les PC, le tout en essayant d’appliquer la recette du succès du premier… Contrat rempli ?
Pour ou contre la transhumanisation ?
Deus Ex : Human Revolution
nous plonge dans le corps d’Adam Jensen, un ancien agent des forces de l’ordre reconverti en chef de la sécurité chez Sarif Industries. Nous sommes en 2027, soit un peu plus de vingt ans avant les événements du premier Deux Ex, à l’heure ou la transhumanisation se popularise. David Sarif, le fondateur du laboratoire de recherche susmentionné, et accessoirement patron d’Adam, tente d’imposer aux personnes des augmentations, des sortes de prothèses et autres puces électroniques permettant d’augmenter sa force, ses capacités intellectuelles, sa vision, sa précision, etc. Lorsqu’on touche au corps humain, certains se soulèvent pour crier leur désaccord, des groupes (pro- et anti-) se forment et les affrontements, plus ou moins violents, peuvent survenir. Toutefois, un événement très particulier, une attaque réalisée par des transhumains suréquipés, se produit. A cette occasion, notre héros, humain à 100% de son état, sceptique quant à l’utilité de ces augmentations, se fait grièvement blesser, sans compter que son ex-copine et certains de se collègues périssent. Bien que laissé pour mort, il revient en pleine forme ou presque quelques mois plus tard… Plus vraiment humain, ni machine pour autant, malgré son manque flagrant d’émotion, Adam Jensen est le prototype même de l’être augmenté. Sans autre choix que d’accepter son nouvel état, il se lance dans une enquête visant à faire la lumière sur ce qu’il s’est passé et sur les personnes qui ont orchestré cette attaque.
Si ce postulat de départ paraît des plus classiques, il faut reconnaître que les scénaristes ont fait bien des efforts pour soigner la suite de l’histoire en offrant un scénario assez riche et abordant divers thèmes liés à la transhumanisation et à ses dérives. Nous n’en dirons pas plus pour ne pas vous spoiler, mais la richesse de l’histoire fait plaisir à voir, surtout à l’heure où les scénarios de jeu ont tendance à tenir sur le quart d’une feuille de papier toilette. Toutefois, les fans de la première heure, et même certains joueurs un peu plus exigeants, regretteront que les divers thèmes abordés n’aient pas été plus approfondis, que certaines idées farfelues se soient introduites ci et là, que quelques passages soient un peu confus et que les différentes fins soient en règle générale assez décevantes, ne prenant que peu, voire pas, en compte les choix faits au début. On atteint pas le niveau de qualité du scénario du premier volet, mais ne crachons pas dans la soupe, l’histoire est suffisamment riche et intéressante pour être appréciée de la majorité des joueurs. En plus, les villes regorgent de PNJ avec lesquels interagir. Parfois peu bavards, d’autres fois plus, ils permettent d’engranger d’autres informations et réactions qui accentuent la richesse du script, sans compter toutes les données à récolter ci et là, les mails à consulter sur les ordinateurs, etc. Outre le fait de récupérer des codes pour désactiver certains systèmes de sécurité, le tout permet d’apporter une bonne dose de dialogues, toujours intéressants.
L’univers cyberpunk est travaillé et le tout est cohérent et suffisamment bien amené pour que l’on se laisse porter d’un bout à l’autre de l’aventure sans mal. Certaines quêtes secondaires, à réaliser en parallèle des principales, peuvent même apporter quelques bouts de scénario loin d’être dénués d’intérêt. Bien qu’elles ne soient que peu nombreuses, elles sont suffisamment structurées, avec un système de progression par objectif, pour éviter de frustrer le joueur avec des allers-retours incessants ou autres. Reste qu’on peut les refuser sans réelle conséquence, si ce n’est de se priver de quelques discussions bien senties. D’ailleurs, les développeurs auraient pu faire un petit effort pour agrandir la taille de la police des sous-titres… surtout pour les joueurs francophones qui opteront pour l’édition anglaise. En effet, soit on opte pour l’édition française privée des voix anglaises, soit on prend la version UK privée des voix et sous-titres français. Dans le premier cas, on a un doublage peu impliqué qui se révèle être correct au final et, dans le deuxième, on a un doublage un gros cran au dessus qui implique de maîtriser au moins l’anglais de base. En revanche, les musiques mettront tout le monde d’accord : elles sont superbes. C’est un véritable délice pour les oreilles, au même titre que les bruitages très appréciables.
Choisis ton profil !
Dans le même ordre d’esprit, la direction artistique est de qualité, avec des designs recherchés, des zones de jeu qui fourmillent de détails et des environnements qui participent grandement à la qualité de l’univers. Cela permet aussi de compenser les faiblesses techniques du jeu. On distingue notamment des modélisations parfois finies à la hache, des animations assez pauvres (par exemple, on ne voit pas les mains d’Adam lorsqu’il manipule un objet) ou encore des effets visuels variant entre le bon et le cheap. Les graphismes accusent le coup d’un développement relativement long et cela se ressent au travers des textures à la ramasse. Malgré tout, le titre est loin d’être repoussant, mais il fait clairement désuet par rapport à ce qui se fait de mieux de nos jours. Ce ne sont pas les longs chargements, plutôt fréquents, qui arrangent les choses. Pour continuer avec les défauts, notons que les PNJ réagissent particulièrement par zone. Dans les faits cela se traduit par une alarme qui se déclenche et seulement les ennemis de la zone dans laquelle on se trouve qui interviennent (même s’ils sont tous en état d’alerte), alors que ceux d’un autre étage pourraient venir prêter main forte à leurs collègues. De même, provoquer la colère d’un groupe d’individus est effectif tant qu’on reste dans la zone concernée (désignation plus large cette fois). Il suffit de faire un petit tour par des égouts, d’avoir deux ou trois écrans de chargement et on peut retourner converser avec les personnages.
Cela enlève une partie du réalisme de l’aspect jeu de rôle. D’ailleurs, si ce
Deus Ex : Human Revolution
offre bien un mélange de FPS et de jeu de rôle, il est aussi mâtiné d’infiltration, de dialogues à choix et d’un minimum de réflexion. Loin de briller dans chacun des domaines qui le composent, il se révèle être une véritable pépite lorsqu’on les mélange. En effet, c’est bien le cocktail des genres, inspiré par le premier volet, qui donne toute la richesse du gameplay et qui, par extension, fait sa force. Plutôt équilibré, le gameplay se révèle être aux petits oignons en offrant toujours divers choix d’approche aux joueurs. Cela est notamment rendu possible grâce au jeu des augmentations. Concrètement, nous commençons avec un nombre restreint de ces améliorations et nous définissons dès la première mission un style (plutôt violent ou pacifiste). Au fil de l’aventure, en engrangeant des XP pour gagner des niveaux, en terminant des missions ou en trouvant certains rares items, on remporte des points spéciaux permettant justement d’améliorer les quelques augmentations de notre héros ou d’en prendre d’autres. Des jambes à la tête, en passant par le torse, les poumons, l’énergie, les yeux, etc., tout y passe et chaque augmentation affine un peu plus le profil de notre Adam. Même si au final, on arrive à obtenir la majorité desdites augmentations, il faut reconnaître que les premiers choix sont très importants.
Reste alors à voir si on veut adopter un profil plutôt bourrin, si on préfère se concentrer sur les interactions sociales, jusqu’à user de phéromones pour orienter les réponses des interlocuteurs, si on préfère l’infiltration, le hack ou encore un mélange de tout cela. Ce qui fait la force du jeu, c’est que nous avons vraiment le choix. Mais cela ne s’applique pas qu’à cet arbre de compétences si on peut dire puisque le level design sert à merveille le gameplay. Entendez par là qu’il a été suffisamment étudié pour toujours offrir plusieurs alternatives, tout en laissant le sentiment au joueur de choisir lui-même sa voie, sans compter la possibilité d’empiler des objets par exemple pour passer derrière une grille bloquée par un objet trop lourd à bouger. On peut donc augmenter sa force, faire preuve d’une plus grande discrétion, jusqu’à se rendre invisible, amadouer les interlocuteurs ou alors passer par le piratage pour consulter des mails, obtenir des codes (en plus de fouiller les pièces), prendre le contrôle de robots et de tourelles, etc. A noter d’ailleurs que le mini-jeu qui permet de pirater un terminal ou autre est plutôt bien pensé. Plus complexe que d’ordinaire, il demande une certaine réactivité, de l’anticipation et de la réflexion. Il est même possible de récupérer des items permettant une détection plus lente de l’intrusion. Les appareils à pirater étant en plus soumis à un système de niveaux (de 1 à 5), autant dire qu’il y a de quoi améliorer à ce niveau-là chez Adam avant de craquer tous les appareils.
Choisis qui doit vivre ou mourir !
Attention toutefois, l’utilisation des augmentations consomme de l’énergie (elle aussi à améliorer avec des augmentations, et ce que ce soit la vitesse de rechargement ou le nombre de piles). Cela permet d’apporter un véritable équilibre au système de jeu en limitant les abus. Il en va de même lorsqu’on réalise des exécutions silencieuses (qui existent aussi en version bruyante). Cela donne d’ailleurs lieu à des passages en vue à la troisième personne plutôt appréciables les premières fois et assez lassants par la suite, sans compter que cela fait sortir de l’immersion de la première personne. Il en va de même lorsqu’on utilise le système de couverture, classique mais fort bien intégré. Bien entendu, dans le cadre de l’infiltration, il est possible de bouger un corps inerte et de le cacher pour ne pas éveiller les soupçons. Le souci du détail va encore plus loin, puisqu’on peut bien entendu ramasser les armes, fouiller les corps et même acheter/vendre les objets, dont certains consommables. Il faut un minimum prêter attention à ce que l’on garde ou non puisque chaque arme, item et paquet de munitions prend une place dans l’inventaire. A nous alors de l’agencer au mieux. Autre bon point, pour éviter de casser l’immersion en cours de partie, notamment lors des gunfights, il est possible d’accéder à un menu rapide pour changer d’arme en un instant. A ce sujet, on apprécie l’intégration d’un arsenal létal et d’un autre qui ne l’est pas.
Vous l’avez bien compris, nous pouvons terminer le jeu sans tuer quelqu’un ou, au contraire, en ôtant la vie de pratiquement tout le monde. Modérons tout de même nos propos en évoquant le cas des boss. En effet, les développeurs ont absolument tenu à nous en proposer une poignée. Le hic, c’est que les joueurs privilégiant le côté bourrin en viendront très rapidement à bout alors que les autres auront justement bien du mal à les passer (du moins selon le niveau de difficulté), la seule option fonctionnant contre eux étant la force. Cela dit, on arrive tout de même à progresser. Nous vous conseillons d’ailleurs de commencer directement dans les niveaux qui équivalent aux difficultés normale ou difficile pour apprécier un minimum le challenge, qui croît quelque peu au fil de la progression pour compenser l’ajout/amélioration des augmentations. Quant à l’intelligence artificielle, elle vacille entre le bon et le moins bon. D’un côté elle peut s’avérer redoutable au niveau de la précision des tirs ou dans certaines suspicions de notre présence, d’un autre côté elle a beaucoup de mal à apprécier certaines situations comme il se devrait, notamment lorsqu’on est dans un conduit d’aération ou dans certaines pièces, le passage se transformant alors en ball-trap. Reste que les munitions n’abondent pas et qu’il est préférable de les économiser en essayant notamment de progresser avec des headshots. Malgré un certain challenge, l’I.A. a quelques comportements à revoir.
Le petit plus, c’est que les PNJ réagissent quand même à la manière dont vous les aborder, dans le sens où leur réponse va différer selon que vous sortiez ou non votre arme. Dans tous les cas, il est difficile d’apprécier précisément la durée de vie du jeu, tant le profil d’Adam, les choix au niveau de l’action, l’acceptation ou non des quêtes secondaires et la volonté de parler aux PNJ, influent sur celle-ci. Mais pour vous donner un ordre d’idée, nous avons pu boucler l’aventure en une quinzaine d’heures en allant à l’essentiel avec un profil typé action alors qu’il nous a fallu un peu plus de vingt-trois heures avec un profil plus infiltration/hack en fouillant la majorité des recoins des décors (dont les PC avec les mails ou encore toutes les tablettes et autres rapports numériques à récolter). Enfin, la durée de vie reste correcte bien que l’on aurait aimé avoir un peu plus de quêtes secondaires… Terminons en signalant un point essentiel : les néophytes pourront tout de même apprécier l’aventure, le niveau de difficulté le plus bas se révélant être une véritable promenade de santé, sans compter que les développeurs ont intégré des indicateurs de missions pour ceux qui ne sauraient pas lire une map ou encore des entourages lumineux orangés pour indiquer les objets avec lesquels interagir. Fort heureusement, il suffit d’un petit tour dans le menu option pour supprimer cette surenchère d’orange. Reste la santé qui se régénère automatiquement, mais là on ne peut plus rien y faire.
Point completFortement inspirés par le premier opus, les petits gars d’
Eidos Montreal ont réussi à nous sortir un
Deus Ex : Human Revolution des plus appréciables. Même s’il n’est pas exempt de défauts, il arrive à remettre la licence sur le devant de la scène vidéoludique, et ce d’une belle manière. Le mélange des genres est très bien calibré, les joueurs ont véritablement le choix dans l’approche des situations et ceux qu’ils font ont des conséquences plus ou moins visibles sur la suite de l’aventure. Inutile de tergiverser, les développeurs ont fait de l’excellent travail et tous les amateurs d’univers cyberpunk devraient se délecter de ce petit bijou, même si la pierre qui l’orne n’a pas été polie. Dans tous les cas, l’expérience de jeu est très appréciable et les nombreuses qualités du soft arriveront sans mal à prendre le pas sur les quelques défauts (plus ou moins gênants pour certains) pour offrir au joueur une aventure immersive à l’univers travaillé et cohérent, ainsi qu’au gameplay aux petits oignons, sans compter la sublime bande sonore et la direction artistique qui rattrape sans mal le côté technique désuet.
On a adoré :
+ Mélange de genres intéressant
+ Les augmentations
+ Le choix de son profil
+ Level design ingénieux
+ Assez accessible pour les néophytes
+ Un certain challenge pour les autres
+ Des aides optionnelles
+ Côté artistique travaillé
+ Univers cyberpunk prenant et cohérent
+ Les musiques et les bruitages
+ Décors qui fourmillent de détails
+ Plein d’informations à récolter
+ Quêtes annexes bien intégrées
+ Durée de vie correcte
+ Une certaine rejouabilité
+ Le mini-jeu du piratage
+ Dialogues à choix intéressants
+ Scénario assez riche
+ Plusieurs thèmes abordés…
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On n'a pas aimé :
- Mais pas assez approfondis
- Histoire parfois confuse
- Fins assez décevantes
- Les boss
- Aspect technique désuet
- Temps de chargement longs…
- Et assez fréquents
- I.A. largement perfectible
- Certaines conséquences peu visibles
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