En juillet 2011,
Arkane Studios a avoué qu’il travaillait sur un FPS peu commun répondant au doux nom de
Dishonored
. Le projet a été soutenu par
Bethesda Softworks, un allié de choix qui a mené la communication sur le titre d’une main de maître. Avec pas mal de promesses, le jeu était plus qu’alléchant. Maintenant que le disque a pu s’user dans le lecteur de notre console, il est l’heure de voir si le studio de développement a rempli son contrat et si ce
Dishonored
est bien la petite perle de fin d’année que l’on attendait…
Un gros travail de création
Arkane Studios nous invite à découvrir un univers fictif qui prend ses sources dans le XIXème siècle avec un aspect très anglo-saxon. Les artistes du studio ont créé Dunwall, une ville qui évolue au fil de l’aventure et qui met clairement en avant les recherches technologiques au niveau de l’industrie. L’empire va hélas mal, touché par une peste qui décime la population. L’impératrice Kaldwin désire arrêter l’hémorragie. Pour cela, elle a confié une tâche de la plus haute importance à son garde du corps personnel. Corvo est parti chercher un remède… Le jeu commence lors du retour de ce dernier. Malheureusement pour l’empire, il revient bredouille, venant annoncer lui-même la mauvaise nouvelle à l’impératrice. Rapidement, les choses dégénèrent et, comme cela a déjà été dit lors de la promotion du jeu, la dame la plus puissante est assassinée tandis que son héritière, la jeune Emily, est enlevée par les assassins. Corvo, laissé seul sur place, impuissant, est alors tout désigné pour jouer le bouc émissaire. Déchu de ses fonctions, sans ne jamais dire un mot, il va accepter l’aide des loyalistes pour faire la lumière sur cet événement. Ceci, c’est le synopsis du jeu. Sans être des plus originaux, il pose de bonnes bases.
Nous n’en dirons pas plus pour éviter tout spoiler, mais il faut reconnaître que celui-ci déçoit quelque peu. En effet, il a beau être bien ficelé et servi par des dialogues qui sonnent juste, il n’en reste pas moins ultra prévisible, du moins dans ses grandes lignes. Cela dit, ce serait injuste de totalement le condamner parce que celui-ci s’intègre au final à un univers très travaillé qui est prolongé par de nombreux écrits à lire ci et là au cours de la progression. En plus, en laissant traîner les oreilles, on peut capter des conversations fort intéressantes. Le tout, bien mixé, donne au final beaucoup d’éléments sur le contexte social de l’empire, sur les plans qui se trament en douce, sur la religion prédominante, etc. Les plus fins des observateurs remarqueront aussi des affiches placardées au mur ou encore tout un tas de détails qui accentuent la crédibilité de l’univers. La direction artistique apporte une couche supplémentaire au travail, en offrant un character design bien singulier et des lieux de toute beauté. Entre la tristesse des bas-fonds, des plus froids, et la beauté des quartiers les plus riches,
Dishonored
se montre à nous comme une véritable toile ancrée dans une histoire fictive qui aurait très bien pu exister.
Fort heureusement, la qualité de la direction artistique compense allègrement l’un des défauts majeurs du titre, à savoir l’aspect technique. Frame rate parfois chancelant, textures grossières et/ou baveuses, modélisations finies à la hache, les défauts visuels ne manquent pas, et ce malgré des effets fort réussis, les jeux de lumière et la colorimétrie en tête. A cela, il faut ajouter des thèmes musicaux qui accompagnent parfaitement l’aventure, même s’ils se font relativement discrets, et des doublages français des plus convaincants, malgré une synchronisation labiale pas toujours au point. Non contents de donner vie à un univers totalement crédible, les développeurs ont poussé le vice jusqu’à introduire un aspect magique avec la présence de l’Outsider. Il s’agit d’un personnage récurrent qui nous octroie des pouvoirs et qui joue en quelque sorte le rôle d’une conscience objective. Assurément un plus dans l’histoire. Afin de sortir des sentiers battus, les petits gars d’
Arkane Studios ont tenu à concevoir un FPS unique mélangeant à la fois une progression encadrée et un aspect bac à sable suffisamment prononcé. Et c’est totalement réussi ! Le jeu a beau être divisé en neuf chapitres, avec des allers-retours entre le QG des loyalistes et le reste de Dunwall, il faut bien avouer que la sensation de liberté est partout.
Un gameplay à la carte
On est plongé dans le corps de Corvo en vue FPS avec un aspect très old school (on ne voit pas les pieds et il n’y a aucune animation d’interaction lorsqu’on saisit un objet, abaisse un levier ou encore ouvre une porte). Chaque main de notre personnage est associée à une gâchette. La droite est dédiée aux combats au corps à corps, notre assassin déchu se servant d’une belle lame. La gauche, quant à elle, peut être associée à une arme de tir (arbalète avec trois types de carreaux différents, un pistolet), à un piège à poser, une grenade à lancer ou un pouvoir à activer. Le tout est à sélectionner via une roue des plus accessibles et, pour faciliter un peu les démarches en plein jeu, il est possible de configurer quatre raccourcis, un par direction associée à la flèche directionnelle. Parmi les pouvoirs, on a le clignement, sorte de téléportation à courte distance, l’invocation de rats qui attaquent les ennemis aux alentours, la possibilité de ralentir le temps, celle de prendre possession d’un animal ou encore l’obtention d’une vision spéciale pour voir les ennemis à travers les murs et leur champ de vision. Pour débloquer les pouvoirs, il faut impérativement se procurer des runes, offertes par certains PNJ ou à découvrir en explorant les environnements, un cœur humain fait maison par l’Outsider aidant à les localiser.
A cela, il faut ajouter des capacités améliorables (pour zoomer en visant, agrandir sa jauge de santé, faire des sauts plus longs, etc.) et des charmes d’os à trouver et équiper (jusqu’à trois). En prime, on peut améliorer les pouvoirs et les capacités (sur un deuxième niveau donc) afin d’avoir de nouvelles perspectives, comme celle de prendre possession du corps d’un ennemi, pour déjouer la garde par exemple ou passer certains pièges (mécanismes électriques pouvant nous réduire en cendre), de faire disparaître un cadavre (pas vu, pas pris), voire même de stopper momentanément le temps. Là où la magie opère, c’est lorsqu’on constate qu’on peut les combiner à souhait, du moins tant que l’on fait attention à sa jauge de mana, extrêmement bien amenée pour offrir de beaux enchaînements, tout en évitant des abus. Au joueur alors de faire preuve de créativité selon les situations, en se jetant par exemple du haut d’une corniche, en ralentissant le temps, en rechargeant sa jauge de mana, et en prenant possession du corps d’un ennemi pour éviter de perdre des points de vie. Il est tout à fait possible aussi, au milieu d’un combat, d’invoquer des rats, qui s’attaquent aux ennemis, de placer un ou deux coups d’épée, de prendre possession d’un ennemi un peu éloigné pour le ramener vers les rats, voire de le placer devant un ennemi qui allait nous tirer dessus.
Les possibilités sont multiples et il faut bien choisir ses améliorations. Dans tous les cas, tout peut être combiné et le level design est tellement bien pensé qu’un objectif peut être accompli de plusieurs façons différentes. Pour chaque mission, on a un objectif principal, qu’il faut quoi qu’il arrive accomplir. Mais, en se promenant sur la carte, en discutant avec d’éventuels PNJ ou en espionnant les conversations, voire en fouillant les lieux pour trouver des plans, indices, etc., on déclenche à la volée l’attribution de missions facultatives. Celles-ci peuvent être de tout ordre, allant du fait d’apporter un simple verre d’eau, jusqu’à défier quelqu’un en duel, en passant par la possibilité de sauver ou éliminer quelqu’un. Mais les développeurs ont poussé le concept encore plus loin, en intégrant une notion de choix prononcée. Ainsi, selon les missions que l’on remplit et la façon dont on les remplit, en alertant les gardes, en tuant des gens, innocents ou non, etc., l’univers du jeu évolue, au même titre que les embranchements liés à la progression. Constamment, les choix modifient par petites touches le jeu, offrant en prime plusieurs fins. Du coup, si on peut trouver la durée de vie assez courte, environ huit heures pour une première partie en normal ou difficile, avec au moins la flèche des objectifs, et en farfouillant un peu dans les niveaux sans bien plus, on se dit que la rejouabilité permet facilement de doubler cette durée.
Un assassin dynamique
Pour certains, ce sera même le triple. Et encore, ceux qui opteront pour le mode très difficile en jouant la carte de l’infiltration totale, sans aucune aide (pas d’indicateur, pas de HUD, pas d’aide à la visée), risquent de mourir assez fréquemment, au point de mettre une quinzaine d’heures pour boucler le titre une première fois. Du coup, la durée de vie est vraiment très relative et liée à la façon dont vous abordez le titre (à moins d’être maso, un conseil, laissez tout de même la sauvegarde automatique, qui enregistre plusieurs points, même si la manuelle fonctionne très bien). Parce qu’au final, ce que les développeurs ont réussi, c’est de proposer un jeu à la carte qui corresponde à tout le monde. Que l’on opte pour l’action, pour l’infiltration ou pour un mixe des deux, que l’on fasse preuve d’indulgence ou que l’on soit sans pitié, tout est possible. Il est même envisageable de terminer le jeu sans tuer qui que ce soit, grâce à certaines ruses et à des éliminations non létales. En plus, une position furtive permet de mieux se camoufler dans les zones d’ombre, de réduire les bruits lors des déplacements et, si on associe cela au clignement notamment, on peut se déplacer aussi bien sur le plan horizontal qu’en hauteur.
Pour arriver dans une pièce, on peut passer par la grande porte, par le toit, escalader une corniche, traverser un couloir en se téléportant d’un lustre à un autre, etc. On pourrait passer encore des heures à parler de ce gameplay au poil, mais vous aurez compris que
Dishonored
offre toutes les possibilités, titille la créativité et peut satisfaire tous les profils de joueurs, surtout que les combats au corps à corps sont bien dynamiques, avec une gestion du tempo pour les parades et contre-attaques. C’est rythmé, vraiment sympathique à regarder et on peut même faire une glissade pour aller taillader les jambes de l’adversaire, sans compter que les développeurs n’ont pas hésité à montrer des décapitations. Au niveau de l’I.A., il est vrai que celle-ci est assez aléatoire. Parfois les adversaires vont réagir un peu lentement, parfois ils font preuve d’une excellente vue, mais il faut reconnaître qu’ils arrivent à se montrer redoutables, notamment les assassins qui ont eux aussi des pouvoirs. Les Geignards (des espèces de zombies consumés par la peste) et les soldats de base ne posent aucun problème, mais les gardes plus expérimentés manient bien le pistolet, les chiens de garde, les rats et les poissons sont voraces (il est aussi possible de nager)…
Et les Tallboys (des soldats lourdement armés perchés sur des échasses blindées) peuvent vite devenir de véritables plaies, sans compter les Superviseurs qui, avec leur boîte à musique ancestrale, inhibent l’utilisation de la magie dans leur périmètre. Certes, chaque type d’ennemi est cloné, mais cela s’oublie vite. Reste en revanche des bugs de collisions assez nombreux, avec des gardes qui passent à travers les murs, des membres qui se chevauchent, etc., et une fin (malgré les variantes) un peu rapidement expédiée via une petite pirouette. Enfin, pour terminer sur une note positive, revenons tout de même sur le gameplay en signalant que les assassins furtifs ont tout à leur disposition pour se faire plaisir, que ce soit la possibilité de porter un corps pour le cacher, voire le jeter d’un balcon, ou encore celle de piquer des éléments à la ceinture d’un individu (clés, pièces…). Nul doute que beaucoup éprouveront un véritable coup de cœur pour ce titre, au point d’explorer les immenses niveaux au level design bien étudié (oui on se répète), de le recommencer deux ou trois fois en modifiant les paramètres, pour durcir l’expérience à chaque fois par exemple, et en optant pour des choix différents. Vous verrez alors le travail abattu par
Arkane Studios. On ne peut que tirer notre chapeau.
Point completDishonored a des défauts, notamment au niveau technique et visuel, ou encore au niveau du scénario, trop prévisible pour surprendre, et ce bien qu’il soit bien ficelé. Il est vrai aussi que le joueur lambda pourra en voir le bout en une huitaine d’heures la première fois, en normal ou difficile (un peu plus en très difficile), en explorant un peu l’univers et en se servant des indicateurs d’objectifs. En revanche, celui qui désactivera tout et se laissera happer par l’univers trouvera la durée de vie des plus correctes (entre une douzaine et une quinzaine d’heures), surtout que la rejouabilité est vraiment bonne (deux parties sans problème) et l’exploration poussée. Mis à part cela, c’est quasiment irréprochable. Le gameplay est extrêmement bien pensé, mais en plus il est parfaitement intégré. Les pouvoirs peuvent être combinés, les joueurs peuvent opter pour l’action, l’infiltration ou un mixe des deux, il est possible de remplir un objectif de plusieurs manières, il y a plein d’éléments à découvrir, une tonne de choix, plusieurs fins, bref, on s’y plonge, on s’y noie et on profite de ce gameplay parfaitement calibré. Le level design est exemplaire, le background est riche et les développeurs ont mis le paquet pour offrir un FPS qui marquera le genre. Au final, pour beaucoup, les défauts paraîtront dérisoires face à cette avalanche de qualités. Assurément l’une des pépites de 2012 et une belle claque comme on aimerait en avoir plus souvent !
On a adoré :
+ Univers accrocheur
+ L’orientation artistique
+ Background très travaillé
+ Dialogues qui sonnent justes
+ Doublages français convaincants
+ Choix avec conséquences
+ Missions secondaires à la volée
+ Bourrin, furtif, ou les deux
+ Tuer ou ne jamais tuer
+ Pouvoirs bien pensés à combiner
+ Gameplay dynamique
+ Un exemple de level design
+ Grands niveaux à explorer
+ Une multitude de possibilités
+ Belle rejouabilité
+ 100% paramétrable (options)
+ Durée de vie correcte sans aide
+ Scénario bien ficelé…
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On n'a pas aimé :
- Mais ultra prévisible
- Court (essentiel + aides)
- Textures grossières/baveuses
- Aspect technique perfectible
- Fin un peu vite expédiée
- I.A. aléatoire pour pinailler
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