Triple A, suites de suites, reboot/remaster, on en passe et des meilleurs… Heureusement, dans ce marasme vidéoludique, il reste quelques projets pour sortir un peu des sentiers battus. Après le sympathique Deadlight et avant l’attendu Rime, le studio Tequila Works nous a proposé de faire un petit break avec The Sexy Brutale. Enquêtons dans son univers mignon et sanglant à la fois.
Et la marmotte elle met le chocolat…
Qui n’a jamais joué une partie de Cluedo ou n’en connaît pas au moins quelques bases ?! C’est peut-être de ce principe simple que l’idée du jeu a mûri tant le parallèle semble évident avec le célèbre jeu de plateau. Comme chaque année, le Marquis a organisé un bal masqué au sein du Sexy Brutale, l’immense bâtisse de pierres lui servant de demeure. Originalité cette année, les convives tombent comme des mouches les uns après les autres dans des situations pour le moins incongrues. Il semble bien que le personnel n’est pas étranger au massacre et c’est en tant que Lafcadio Boone, personnage mystérieux et masqué lui aussi, que l’on se retrouve à enquêter. Loin de s’arrêter là, l’homme aux cheveux blancs se retrouve investi d’un pouvoir lui permettant de remonter le temps. Il ne suffira pas de comprendre les modus operandi des criminels ou de connaître par cœur les routines des victimes, il faudra surtout réussir à empêcher ce qui semblait au départ tenir de l’inéluctable... Ou quand notre bon vieux Cluedo se déroule dans Un Jour sans Fin, bienvenue dans The Sexy Brutale.
Au bal, au bal masqué ohé ohé !
Dans les faits, on se retrouve devant des décors en 3D isométrique, plongé dans un jeu d’aventure/enquête à la troisième personne. Proche du point‘n click, les mécaniques sont d’une simplicité enfantine, on déplace notre détective de fortune, on agit sur des zones prédéfinies et clairement indiquées pour déclencher des actions ou utiliser des objets. Là où le soft se démarque, c’est évidemment par sa gestion du temps. Il faudra se balader à travers les nombreuses pièces de la résidence pour identifier les victimes, les lieux et causes de leur décès et surtout l’heure précise de la mort. A partir de là, libre à nous de redémarrer la journée pour cette fois suivre le coupable ou bien pour tenter directement de couper court à l’acte meurtrier par exemple. On pourra compter sur des horloges présentes un peu partout dans le manoir pour sauvegarder ou choisir de faire défiler le temps jusqu’à deux horaires plus précis. Le jeu n’est pas avare en aides que ce soit par sa montée en puissance bien rythmée, par sa carte regroupant la topographie des lieux ou par la chronologie des déplacements qu’on a pu surveiller. La pression ne se fait d’ailleurs jamais sentir, le timing est toujours relativement confortable, les essais ne sont pas limités et la seule contrainte pour Boone est de ne pas avoir le droit d’être dans la même pièce qu’un autre personnage. Si cela se produit, il reste encore quelques longues secondes pour se carapater par la première porte venue. La progression se fait ainsi naturellement avec des zones de plus en plus vastes et l’ajout progressif de pouvoirs permettant d’accéder à de nouveaux endroits ou d’atteindre des informations jusqu’alors inaccessibles. En bref, c’est élémentaire et ça fonctionne très bien.
Burton sauce SD
The Sexy Brutale ne laisse visuellement pas indifférent, qu’on parle du jeu ou du manoir éponyme. Ce dernier est d’ailleurs quasiment un personnage à part entière tant les lieux composent une bonne partie de l’ambiance du jeu. A la fois coloré et lugubre, cartoonesque et gothique, l’aspect graphique en met plein les mirettes. Si l’on n’est pas en présence d’un mètre-étalon pour carte graphique haut de gamme, les choix artistiques semblent judicieux et savent mettre en valeur le superbe boulot que les graphistes ont réalisé. La galerie de personnages répond aux mêmes remarques, c’est haut en couleurs et on identifie rapidement les différents intervenants et leurs masques extravagants. Il est toutefois dommage de constater que cette version Xbox One souffre de pas mal de soucis techniques malgré la simplicité des graphismes. On notera ainsi quelques animations saccadées, des passages qui rament sévère et des ouvertures de portes qui grincent techniquement parlant. Pas de quoi fuir, qu’on se rassure, le jeu est tout à fait jouable et il faut espérer qu’un patch puisse réparer ces quelques errances. Côté bande-son, rien à dire, les musiques jazzy accompagnent à la perfection les 5 à 6 heures à passer dans ce huis-clos (voire un peu plus pour collecter l’intégralité des objets cachés, ce qui est raisonnable pour une vingtaine d’euros). Les bruitages ont également le droit à un très beau traitement qui est sublimé par le propos de l’histoire. Après avoir vécu plus de 20 fois la même journée, il est jouissif d’identifier chaque petit bruit à des horaires spécifiques et d’en connaître les causes… ou les macabres conséquences !
Redrum
Pour finir, un petit mot sur la narration qui se montre efficace malgré son côté épuré. Le moteur ne permettant certainement pas des miracles, Tequila Works a misé sur quelque chose d’efficace plutôt que sur de l’esbroufe. Le résultat est honorable, en tout cas largement suffisant pour nous délivrer un scénario adulte dans un univers faussement enfantin. Car si de prime abord les choix artistiques peuvent laisser entendre qu’on est en présence d’un conte pour enfant, il ne faut pas s’y tromper, on parle bien ici du massacre de 7 personnes dans des circonstances parfois extrêmement glauques. Le scénario réserve en outre des rebondissements bien amenés et aborde des sujets dont on n’aurait pas soupçonné la présence à l’origine.
Point completThe Sexy Brutale propose une enquête mystérieuse tout en ne cachant pas ses inspirations, que l’on cherche du côté d’un Cluedo, d’un Majora’s Mask ou d’un bon vieux point’n click comme Sanitarium. Pourtant, il sait aussi faire preuve d’une originalité rafraichissante en ces temps d’expériences « copiées/collées ». Tour à tour enchanteur par son visuel et glaçant par son propos, le jeu de Tequila Works vaut la peine d’être joué à condition de lui pardonner ses légères errances techniques et surtout sa trop grande facilité. Entre jeu purement narratif et enquête poussée, on aurait sans doute préféré que The Sexy Brutale penche un peu plus du côté du second.
On a adoré :
De l’originalité dans le gameplay
DA qui ne laisse pas de marbre
Chouette accompagnement sonore
Histoire adulte et maîtrisée
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On n'a pas aimé :
Aucune rejouabilité
Trop grande facilité
Des soucis techniques
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