
C’est déjà le troisième opus pour la série Watch Dogs, qui avait débuté en 2014 avec une aventure noire au cœur de Chicago, avant d’enchaîner deux ans plus tard avec les tribulations d’une joyeuse bande de hackeurs à San Francisco. Aujourd’hui, Watch Dogs : Legion part à la conquête de l’Europe et s’établit outre-manche, à Londres, avec quelques bonnes idées dans sa valise ! Sont-elles payantes ? Eh bien, un peu comme le Brexit, pas vraiment…
Cyberpunk avant 2077
Niveau scénario, la mise en place est simple et rapide : une attaque terroriste de grande envergure vient secouer Londres, qui prend en retour des mesures sécuritaires drastiques et voit s’implanter une police privée, Albion, qui compte bien imposer sa vision du monde parfait à tous, et ce de n’importe quelle façon. C’est DEDSEC, la bande de hackeurs récurrente de la série Watch Dogs, qui est accusée à tort d’être à l’origine de l’attentat par un groupe énigmatique prénommé « Zero Day ». Epaulée par Sabine, ancienne leader pré-attentat désormais en exil, et Bagley, IA portée sur l’humour, la bande va devoir prouver son innocence et aider les Londoniens à se révolter contre ce nouvel état policier. Le gros détail, c’est que DEDSEC, c’est maintenant n’importe qui. Fini le casting prédéfini de personnages sombres ou hauts en couleur des opus précédents, dans Watch Dogs Legion, vous pouvez jouer avec littéralement tout le monde. Niveau écriture, la trame n’est pas exceptionnelle et la scénarisation manque clairement de finesse, on voit rapidement où se dirige l’histoire, malgré un petit cliffhanger final dont on vous laisse la surprise.
Les quêtes annexes sont globalement bien reliées à la trame principale et nous aident à en apprendre davantage sur les autres factions qui entrent en jeu dans cet univers : gangs, autres groupes de hackeurs, multinationales... On passe quelques bons moments sur des missions qui abordent des thèmes adultes à la limite du cyberpunk : robotisation, IA, transhumanisme, trafic d’êtres humains et d’organes… Mais bon, soyez prévenus, dans son message global le jeu mise tout sur la bien-pensance Made in 2020. C’est extrêmement politisé mais ça ne vole pas franchement très haut, Ubisoft étant plus proche du matraquage politique Bisounours un peu simplet que de l’essai philosophique… Autorité = méchant, ça résume un peu le message. Entre deux missions, vous aurez justement l’occasion de vous frotter à « l’autorité », en participant à la montée de la révolte dans les différents quartiers de Londres. Trois petits objectifs sont à compléter dans chaque district, ce qui ouvrira une dernière mission un peu plus poussée pour finalement « révolter » le district. Dans les faits, le seul effet vraiment visible de cette révolte est la disparition quasi-totale des agents d’Albion qui patrouillaient auparavant dans les rues et persécutaient les braves citoyens… un peu léger.
Plus tard je veux être…
Dans votre effort de révolte, vous pouvez donc incarner n’importe quel Londonien. Plus aucun personnage non jouable, si vous voulez incarner un serveur de bar, un garde du palais royal ou même un commandant des forces ennemies, vous pouvez. Voilà LE point sur lequel Ubisoft mise tout cette année et cherche à différencier son jeu. Les personnages et leurs habiletés sont générés aléatoirement, c’est-à-dire que le jeu colle un skin, une voix et quelques habiletés à tous les personnages que vous croisez. Sur le papier, c’est très intéressant et ouvre la porte à de bonnes idées côté gameplay : prendre la place d’un garde pour s’infiltrer là où vous ne devriez pas être, celle d’un expert en crypto-monnaies pour gagner plus d’argent, ou celle d’un tueur à gage quand c’est l’heure de passer en force. Dans les faits, passé l’étonnement et l’aspect nouveauté initiale, le système apporte assez peu. On a vite un ou deux agents favoris que l’on va utiliser pour toutes les missions et délaisser complètement les autres, voire ne même pas chercher à en recruter de nouveaux. Pour un peu plus de challenge, il est possible de jouer avec une option de mort permanente, qui viendra faire disparaitre votre agent en cas d’accident. Mais l’un des plus gros points noirs du système est le caractère ultra répétitif des missions de recrutement, si bien qu’on n’a pas franchement envie de voir notre agent mourir définitivement. Pour en engager un nouveau, il faut souvent commencer par l’aider à résoudre un problème, et c’est là que ça se gâte. On se retrouve à refaire plusieurs fois une mission générée de manière procédurale, mais finalement quasi identique : aller sauver un tel, pirater un ordinateur, voler un véhicule, le tout dans l’un des quelques espaces aménagés de la carte, qui reviennent sans cesse.
Combien de fois suis-je aller libérer au même endroit un otage incapable de me suivre sur 10 mètres sans se perdre ? Trop de fois pour que ce soit fun, c’est clair.
Malheureusement, le plus regrettable avec ce système, c’est son impact sur la narration et sur l’intérêt pour le scénario du jeu. Même si quelques personnages support (non jouables pour le coup) viennent dynamiser un peu le tout, vos agents ont un charisme au ras des pâquerettes, une personnalité inexistante et on peine à s’y attacher, et ce même en mode mort permanente… Ce n’est pas la piètre qualité et le manque de conviction des doublages (même si les accents chantants d’outre-manche sont sympas à entendre si vous jouez en anglais) qui viendront rendre le tout plus crédible et plus charmant. Un véritable échec à ce niveau, qui dessert clairement le rythme et l’intérêt de l’histoire. Le côté torturé et sombre d’Aiden Pierce (Watch Dogs) ou la joie de vivre et l’humour de Marcus et de sa bande (Watch Dogs 2) nous manquent clairement. Le jeu souffre d’une absence « d’âme », un aspect qu’on retrouvait davantage dans les opus précédents. Alors oui, on peut jouer avec tout le monde, mais on se retrouve surtout à ne jouer avec personne tellement votre personnage est oubliable et littéralement remplaçable.
Anarchy in the UK
Pour y avoir voyagé de nombreuses fois, nous trouvons que Londres est reproduite à merveille et qu’on s’y croirait carrément ! La ville est hyper détaillée, street art et graffitis omniprésents se mélangent avec les publicités holographiques futuristes et les néons colorés. On prend du plaisir à simplement se promener dans les ruelles et à observer les alentours. L’environnement est très dense et plutôt vivant, mais il peine finalement à retranscrire l’état d’urgence que le jeu essaye d’instaurer. On ne ressent pas franchement la rébellion de la ville, si ce n’est au travers de quelques coins de rues abordant des bannières et une poignée de manifestants à pieds… Pour l’ambiance gilets jaunes on repassera. Son principal défaut reste son terrible manque d’interactivité. Concrètement, vous n’aurez qu’une poignée d’activités à faire dans la ville : boire une pinte, jouer aux fléchettes, jongler avec un ballon, participer à un combat dans un club ou livrer un paquet en scooter… Autant dire que c’est un peu léger pour un jeu de cette envergure. Pas non plus de nouvelles quêtes qui se déclenchent au détour d’une ruelle suite à un événement scripté et pire encore, pour un jeu qui s’appelle Watch Dogs, vous ne verrez même pas un chien dans la rue !
Trêve de plaisanteries et pour revenir au point abordé précédemment, le jeu possède aussi un manque flagrant de modélisations d’intérieurs. Déjà car il n’est désormais plus possible d’entrer dans les magasins, qui ne sont désormais plus qu’une simple tablette consultable devant une vitrine, mais surtout car ce sont trop souvent les mêmes lieux qui reviennent lors des missions. Attendez-vous à visiter à plusieurs reprises le même endroit que ce soit pour une mission de recrutement, une mission annexe ou même une des missions principales. Néanmoins, le level design des lieux qui ont la chance d’être un peu plus travaillés est toujours intéressant, offrant plusieurs possibilités d’approches pour coller au mieux à votre style de jeu.
Hack the planet ?
Au niveau du gameplay lui-même, on retrouve donc cette variété de choix dans les approches, maintenant typique de la saga Watch Dogs. A vous de voir si vous voulez vous infiltrer discrètement dans un bâtiment avant de hacker votre cible, si vous voulez ne même pas y entrer et laisser un drone faire tout le travail ou si vous vous sentez l’âme d’un John Wick qui va venir descendre tout le monde avant de faire son boulot. Un bon point donc, mais finalement plutôt répétitif, les missions n’étant pas forcément très variées. On retrouve souvent la même boucle de gameplay et ce tout au long du jeu : aller au point de mission, s’infiltrer, hacker, partir. Quelques moments se démarquent, notamment de très bonnes phases de conduite de drones, et ce qu’ils soient volants ou rampants.
Pour vous aider dans ces missions, vous avez une demi-douzaine de gadgets à votre disposition, le plus utile d’entre eux étant clairement le spiderbot, araignée robot pirate que vous pouvez contrôler à distance pour infiltrer discrètement n‘importe quel lieu. Elle se faufile partout et est tellement efficace que vous pouvez littéralement décimer l’ensemble d’un avant-poste sans même y entrer physiquement. En effet, votre spiderbot se transforme en terrible FaceHugger à la mode Alien pour neutraliser les ennemis et en y investissant quelques points d’améliorations, il pourra même devenir invisible et se déplacer encore plus rapidement. Les autres gadgets sont sympas mais nettement moins utiles : poing électrique, drone tourelle ou bombardier, système d’invisibilité pour votre personnage. Le principal problème lié aux gadgets vient du fait que vous ne pouvez en utiliser qu’un à la fois, et que le jeu vous empêche d’en changer facilement. Le spiderbot étant tellement utile, c’est souvent celui qui sera équipé, et je doute que vous utilisez beaucoup les autres. Si l’envie vous prend d’essayer autre chose, vous devrez vous trouver dans une zone libre (impossible de changer de gadget en zone ennemie), puis accéder au menu pause, sélectionner votre agent actuel, puis modifier son équipement… La recette parfaite pour faire en sorte qu’on ne change jamais de gadget, et puis niveau immersion on repassera.
Au niveau des gunfights, ce n’est toujours pas très convaincant… La visée auto vient retirer tout challenge, les armes n’ont pas franchement de pêche, on ne peut toujours pas tirer en voiture et la possibilité de passer d’une couverture à une autre a disparu... On repassera aussi au niveau des animations, le modèle en jeu n’actionnant même pas la pompe de son fusil à pompe. On regrette ensuite l’impossibilité d’acheter des armes à feu et de les améliorer. Concrètement, si votre agent ne possède pas une arme à feu de base, impossible de lui en équiper une. Il faudra se contenter des armes électriques non létales et peu puissantes. Idem au niveau des armes contondantes, impossible à équiper librement, et comble pour un jeu basé en Angleterre, le jeu ne propose même pas de couteau ! Le combat à mains nues est peut-être un poil meilleur qu’avant, avec un système d’esquive et de brise garde, mais les combats et leurs animations sont mous et répétitifs à souhait et donnent juste envie de sortir un flingue pour en finir plus rapidement…
Autre déception, c’est la baisse de régime au niveau des possibilités de hack. Fini de hacker les feux rouges ou les canalisations pour semer nos poursuivants, fini de pouvoir consulter ou écouter les conversations téléphoniques des passants, fini d’envoyer les gangs adverses ou la police semer le trouble pendant que vous faites vos affaires… La conduite des véhicules est-elle toujours passable, avec des véhicules sans poids qui semblent plutôt glisser au-dessus de l’asphalte que rouler. Les améliorations disponibles sont souvent liées aux gadgets et donc pour une bonne moitié d’entre elles, parfaitement oubliables. Vous pourrez néanmoins améliorer vos capacités pour notamment camoufler les ennemis éliminés et surtout, pour pouvoir hacker et détourner les différents drones de surveillance ou de combats adverses. Concernant les armes, vous pourrez améliorer quelques aspects des quatre armes électriques basiques, mais seulement de celles-là. Si votre agent possède un fusil d’assaut ou un pistolet propre à son statut, impossible de le modifier ou de l’améliorer, si ce n’est avec un peu de couleur via un malheureux skin… Idem pour les voitures, pas de garage, pas de voiture perso sauf si votre agent en a une de base, et aucune modification hormis quelques skins encore une fois. Enfin, concernant votre personnage, vous pourrez acheter de nombreux habits dans les boutiques de la ville et… c’est tout. Oubliez coiffeurs, tatoueurs, etc.
Vous reprendrez bien quelques bugs ?
Concernant les performances, on salue la très belle modélisation de Londres et de ses différents quartiers, mais beaucoup moins celle des personnages qui font souvent peine à voir au niveau des visages et des textures. Les animations sont aujourd’hui clairement médiocres, tout comme la physique des personnages. Le moteur physique est vieillissant et ça se voit ! Au niveau de l’IA, on est loin d’être dans le futur… Les ennemis ne sont pas franchement très malins, que ce soit à pied ou en véhicule. Echapper à une course-poursuite est incroyablement facile même au niveau de recherche le plus élevé, les piétons apprécient particulièrement se jeter sous vos roues, les ennemis ont du mal à offrir une réponse satisfaisante lors des gunfights et ce même lorsqu’ils sont nettement plus nombreux que vous…
La fluidité en jeu est correcte (testé sur Xbox One X), mais jeu Ubisoft oblige, les bugs sont bien là… et en quantité astronomique. Qu’ils fassent crasher le jeu, empêchent carrément la progression ou qu’ils viennent juste ruiner l’immersion (clipping d’objets, personnages qui traversent les murs, ils restent toujours aussi inacceptables dans une production d’une telle ampleur). A noter que le mode multijoueur n’est pour le moment pas présent et devrait arriver en décembre 2020. Les microtransactions elles sont bien là et dès la sortie du jeu. Ubisoft n’a aucun problème à vous vendre des costumes ou des agents à 10€ l’unité mais quand il s’agit de livrer un jeu sans bug majeur, il n’y a plus personne…
L’avis perso d’Arnaud // La recette perd en ingrédients… Après une trentaine d’heures de jeu, je suis finalement plutôt déçu par Watch Dogs Legion, ayant vraiment apprécié les deux précédents opus malgré leurs défauts respectifs. Le système d’agents multiples a trop peu d’intérêt et j’ai joué quasiment tout le jeu avec un tueur à gage, efficace et habillé à mon goût. Une bonne idée pour une meilleure utilisation des différents attributs aurait été de proposer un système de mission en équipe, dans lequel il serait possible de monter un petit groupe pour vous accompagner en mission. Un tueur à gage pour le grabuge, un hacker pour la technique et un pilote pour l’évacuation, le tout interchangeable à tout moment, un peu comme ce que nous avions pu voir dans GTA5. Enfin bon, je ne suis pas développeur, j’en demande sûrement trop…
Je suis aussi déçu par la gestion des gadgets et des armes et surtout par le manque de personnalisation. Quitte à nous laisser jouer n’importe qui, laissez-nous aussi créer un personnage à notre image, pas seulement à jouer à la Barbie en modifiant seulement les habits d’un avatar généré aléatoirement. Le jeu reste néanmoins sympa à parcourir, surtout grâce à l’excellente modélisation de Londres. Je prends quand même du plaisir et je vais aller chercher les 1000G (c’est plutôt facile). Malheureusement, quand on compare finement Watch Dogs Legion avec l’opus précédent, on identifie vite de trop nombreux aspects qui ont disparu, si bien que le jeu peine à s’inscrire comme une évolution. Dommage pour un AAA de cette ampleur, on en attend beaucoup, beaucoup plus. |
Point completTroisième opus et nouvelle déception pour la saga Watch Dogs, Legion peine même à se hisser à la hauteur de ses prédécesseurs. Sans être un mauvais jeu, il a néanmoins du mal à vraiment convaincre. Malgré le fait que Londres soit un environnement très agréable à parcourir, et que la possibilité de jouer avec n’importe quel personnage du jeu soit une nouveauté originale, de trop nombreux points noirs viennent assombrir l’expérience de jeu : gameplay moins poussé que dans les opus précédents, open world ennuyant, bugs à foison, physique et modélisation datée… Il ne marquera certainement pas les esprits, mais les fans de la licence y retrouveront l’essence de la série et y passeront quelques bons moments. C’est toujours ça en attendant de bons patchs pour corriger des bugs qui sont parfois bien gênants.
On a adoré :
Superbe reproduction de Londres
Jouer avec n’importe que perso
La mort permanente en option
Quelques belles séquences de gameplay
Thématiques très actuelles
Level design intéressant
Une multitude d’options pour aborder les objectifs
Spiderbot, le MVP de cet opus
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On n'a pas aimé :
Jeu manquant d’âme
Monde ouvert ennuyant, peu interactif
L’absence de perso principal nuit à la narration
Toujours autant de bugs
Missions de recrutement ultra-répétitives
Gestion des armes et gadgets
IA loin d’être futuriste
Personnalisation décevante
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