Alors les marins d’eau douce, on veut jouer les pirates ? On rêve d’aventure, de pillages et de soirées arrosées de rhum ? Souquez les artimuses, faites gonfler le vent dans les huniers, bonnettes et cacatois : on part à l’abordage de Skull & Bones ! Il faut dire que le jeu revient de loin, après une production chaotique de plus de 10 ans, des changements majeurs et 6 reports. C’est souvent le signe annonciateur de mauvais augure pour ces titres au passé houleux, est-ce que le bébé d’Ubisoft tiendra bon la barre ou est-il voué à sombrer ? Réponse avec cette critique basée sur une version numérique reçue de l'éditeur.
Il est important dans le cas de Skull & Bones de planter le décor : nous sommes en 2013, et la saga Assassin’s Creed se porte encore pas mal. Le troisième opus sorti en 2012 commençait un nouveau cycle après s’être séparé d’Ezio et l’avoir bien essoré, puis en 2013 c’est au tour de Black Flag de sortir en faisant le pont entre la génération PS3/PS4 et Xbox 360/Xbox One. C’est alors qu’Ubisoft pense à adapter les combats navals de ces épisodes dans une version multijoueur dans un monde de piraterie. Le projet est alors dans les mains d’Ubisoft Singapour, pour être dévoilé à feu l’E3 en 2017.
Alors à l’état de prototype, le jeu est prévu comme un open world, dans lequel il serait possible de jouer seul ou à plusieurs, en coopération comme en PvP. C’est en 2018 qu’une version préliminaire sera montrée au public, qui ne fera pas bonne presse car le concept comme les contrôles semblaient douteux. Il faudra alors attendre deux ans pour avoir des nouvelles de l’avancement de Skull & Bones, avec une simple information selon laquelle le projet a changé de direction pour être plus adapté visuellement et techniquement aux nouvelles machines.
C’est en 2021 que les choses se gâtent, avec une suite de déboires au sein des équipes, entre accusations d’harcèlement et enquêtes sur les conditions de travail du personnel de Singapour, avant que le projet ne sombre dans une suite de reports et un intérêt global qui s’amoindrissait à chaque année passée…
Avant de ressurgir soudain aux Games Awards de 2023 et annoncer une date de sortie au 16 février 2024 ! Nous avons désormais le jeu entre les mains et pouvons enfin arpenter les mers tant convoitées et vendues par Yves Guillemot, PDG d’Ubisoft, comme un jeu « quadruple A ».
On vous met dans le bain -littéralement- après une courte phase de bataille navale, avant que votre navire ne sombre et que vous vous retrouviez à la merci des flots, naufragé et sans rien. Par chance, deux autres compagnons d’infortune qui passaient par là vous aident à monter à bord d’une petite embarcation. C’est alors le début de votre aventure, et aussi du tuto qui va vous permettre d’appréhender les mécaniques du jeu.
Une fois votre avatar personnalisé (que vous pourrez changer à l’envi par la suite) vous allez commencer à vous faire la main sur les contrôles des navires, l’introduction faisant surtout la part belle au combat. Pour accélérer, une pression sur A vous fera monter l’une des trois vitesses, la plus élevée utilisant l’endurance de l’équipage. L’endurance se récupère en ralentissant, avec une pression sur B, ou en consommant de la nourriture.
Vous pourrez profiter de trois vues lors de votre navigation : vue interne du point de vue du capitaine à la barre, vue extérieure à l’arrière du bateau avec caméra libre, et vue du mat comme la vigie. Pour les combats, une pression sur la gâchette gauche permettra de viser, le contrôle de la caméra avec le stick droit définit le canon à utiliser, puis appuyez sur la gâchette droite pour tirer.
Si le fait de passer en vue interne pour tirer amplifie l’immersion, c’est parfois confus quand on a la fumée, les explosions ou la mer démontée qui balance de l’écume dans votre tronche, il aurait été sympa de pouvoir garder une vue extérieure pour pouvoir varier les plaisirs.
Forcément à un moment, vous allez prendre des dégâts, il sera alors possible d’utiliser un kit de réparation consommable pour regagner l’intégrité de votre coque, nécessitant un certain temps avant de pouvoir l’utiliser de nouveau. Il faudra donc l’utiliser au moment propice pour optimiser ce délai entre deux assauts.
Il est possible sur votre navire de récolter des choses variées, à commencer par le loot qui flotte à la surface de l’eau. En vous promenant près des berges, il est aussi possible de récolter divers produits servant à la confection d’objets variés, ou nécessaires pour compléter des quêtes. Pour cela, approchez-vous par exemple de cocotiers, un appui sur Y et hop, voilà un petit QTE dans lequel il faudra appuyer au bon moment pour optimiser votre récolte... Pas super passionnant mais au moins c’est rapide. Conseil très avisé : gardez tout ce que vous trouverez, et une fois à terre, mettez tout dans votre entrepôt ! Car au moment de crafter ou de valider les quêtes, les objets seront soustraits de votre inventaire mais aussi de votre entrepôt, ce qui évite des allers-retours inutiles, un très bon point.
C’est aussi lors de cette phase de tuto que vous apprendrez quoi faire une fois le pied à terre, avec justement l’entreposage de votre cale, le craft, l’acceptation et la validation de missions ou encore la chasse aux trésors si vous avez une carte et que vous êtes sur la bonne île.
Pour cette dernière activité, elle est simplifiée à l’extrême : une fois sur une île disposant d’un trésor, si vous avez trouvé la carte au préalable bien sûr, vous aurez automatiquement une notification pour vous informer de la présence du trésor. Pire encore : dès que vous serez à quelques mètres du coffre enterré, il sera visible avec un gros halo orange, reste à creuser et récolter son contenu, c’est tout. Ce défaut fera écho pendant tout le jeu, vous prenant par la main pour presque toutes les activités, simplifiant les mécaniques à l’extrême, ce qui dans le cas des batailles navales permet des joutes nerveuses, mais pour le reste…
Quand vous aurez terminé le tuto, direction la véritable map du jeu, avec le premier avant-poste principal : Sainte-Anne. Là-bas vous ferez connaissance avec vos meilleurs potes : les marchands. Parce que désormais, il va falloir faire monter votre réputation, à grands renforts de missions mais surtout grâce à un équipement qu’il faudra toujours pousser à son maximum.
Premier objectif : faire grimper votre niveau de réputation, pour avoir accès à de nouveaux plans de navires, de canons, de protections… Bref, pour accéder à du meilleur matos. Ensuite il faudra choper ces plans, soit via des quêtes, soit en les achetant. Il faudra ensuite trouver les ressources nécessaires à la construction, comme dit précédemment soit dans l’eau, sur les rivages, mais aussi sur des bateaux échoués dont il faudra forcer la porte avec un petit QTE qui sent bon les années 2010.
Les bateaux de départ ne peuvent avoir que 3 armes, mais les plus gros peuvent en embarquer 5. L’arsenal est varié, avec des canons efficaces à distance courte, moyenne ou longue, des bombardiers qui font péter des boulets explosifs ou encore des choses plus exotiques comme des nuées de roquettes ou des torpilles… A vous de choisir selon votre style de jeu préféré, ou de varier selon votre objectif. Certaines armes sont en effet plus efficaces sur les navires, d’autres sur les bâtiments. Il est aussi possible d’avoir des effets, qui auront plus d’effet sur les navires adverses : les enflammer pour cramer les moussaillons d’en-face et aussi faire du dégât dans le temps, des boulets qui inondent les cales et rendent la bateau moins maniable… Mais votre arme principale restera votre précision évidemment. En cela, les contrôles simples de Skull & Bones jouent en sa faveur, mais comme mentionné précédemment, on aurait apprécié une vue extérieure lors des combats pour plus de précision.
Ce qui est plutôt dichotomique dans ce jeu, c’est la volonté de mettre en avant un système de réputation, alors que vous allez passer l’intégralité du jeu à tout faire vous-même. En tant que capitaine, on imagine que vous pourrez déléguer les basses besognes à vos troufions sur le navire ? Que nenni : récolter, fabriquer, livrer, c’est à vous de tout vous taper. Ressenti d’autant plus flagrant avec les missions principales, qui vous placent sous la coupe d’autres kingpins mais qui vous prennent toujours pour un facteur plus que pour un égal… Du moins 90% du temps.
A aucun moment on a cette sensation d’évolution, si ce n’est avoir un plus gros bateau. A part les quelques matelots à l’entrée des grands ports qui braillent vos louanges dès que vous y débarquez, et certaines lignes de dialogue des PNJ, rien ne vous fait ressentir que vous êtes un corsaire en puissance, mais plutôt un exécutant de tâches ingrates, un livreur FedEx qui se serait perdu en pleine mer… Ca ferait un bon film ça !
Le scénario proposé ici est inintéressant, n’étant au final qu’une suite de missions ne servant qu’à d’autres PNJ et vous impliquant juste pour faire les basses besognes, voire même de servir d’appât ou de vous faire tomber dans des traquenards, pour avoir à la fin un dialogue en mode « c’était pour rire lol c’est bon t’es pas mort, on est encore potes. Allez, va chercher des tonneaux sur une île à 10km ».
Et il est pas terrible… Dans ce monde à priori ouvert, vous vous retrouverez au final à tourner assez vite en rond malgré les activités proposées : outre la récolte ou les navires à défoncer, vous pourrez aussi piller certains lieux pour y récolter de grandes quantités de matériaux. Il suffit de lancer le pillage, buter tout ce qui vous tire dessus, rincez, essorez, au suivant. Si votre navire est bien équipé, le challenge ne sera pas vraiment bien violent. Encore moins en coop, mais on y reviendra.
Si vous cherchez à vous frotter à forte partie, vous avez les forts, qui sont eux bien vénères, résistants et font bien mal. Il faudra donc être patient et stratège, avec des canons à la fois utiles contre les structures mais aussi contre les navires qui vont venir vous mettre des boulets dans la coque. Et il faudra forcément défoncer des forts pour espérer fabriquer certaines des meilleures pièces du jeu !
Certains évènements mondiaux aussi sont assez relevés, mais restent plus classiques car s’agissant souvent de navires à couler, juste plus résistants et/ou nombreux. On aurait apprécié des navires plus exotiques genre navires fantômes ou des créatures mythiques histoire de varier les plaisirs.
La variété d’endroits et d’activités sur la carte promet des longues sessions de navigation, sauf si vous décidez d’utiliser le voyage rapide. Pour cela, il faut vous amarrer à un avant-poste puis choisir un autre endroit ou vous téléporter…
Bref vous allez tourner en rond dans cette carte assez grande, mais où seules les quelques tempêtes à traverser vous feront oublier la monotonie de la navigation. C’est dommage car Skull & Bones propose diverses régions, représentant plusieurs continents : si vous débarquez dans l’achétype des îles de pirates au départ, vous aurez ensuite accès à des côtes africaines et orientales, avec des panoramas tout à fait agréables à regarder… Mais on n’est pas dans un film, ici on a aussi envie de jouer et passés les moments contemplatifs, de jour comme de nuit, on cherche encore et toujours ce qui fait l’essence d’un bon titre.
A force d’être pris par la main pour toutes vos activités, avec à côté de cela le manque global de challenge, les missions ou le craft pas passionnant ou même la chasse au trésor ou l’abordage qui se limitent à appuyer sur un bouton, c’est pas la grosse éclate.
C’est là qu’on ressent le chaos du développement du jeu, car s’il y a bien des bases d’idées, on sent que très peu sont abouties, ou parfois carrément bancales. Sur l’aspect technique déjà, si on passe outre la découverte et l’effet wow des décors, on voit que les personnages semblent datés, surtout sur les visages et les animations parfois trop sèches. Quand on regarde le décor en navigant, on peut observer de nombreux soucis de clipping sur les abords des rivages ou les arbres, ou pire encore : à pied sur une île, l’écume ressemble à de grosses boules de coton, c’est plutôt pas terrible et ça jure carrément avec le rendu de l’eau et les jolis effets de lumière et de transparence.
Pour la variété de gameplay, il faudra attendre d’atteindre le niveau Kingpin pour avoir accès à toutes les fonctionnalités de la timonerie. Parce qu’on ne l’a pas encore évoqué, mais il est possible de faire de la contrebande, mais de façon assez lourdingue : il faut valider des contrats pour aller chercher les matériaux de base de vos produits de contrebande, par exemple la canne à sucre pour faire du rhum. Il faudra alors amener les ingrédients à la timonerie, fabriquer le rhum, et une fois fabriqué il faudra aussi le livrer ! Et pour la livraison, oubliez les voyages rapides : ici il faut naviguer du point A au point B avec à vos trousses des navires qui veulent vous dépouiller. Bref ça rapporte, mais au prix d’un long voyage pas toujours très fun.
Le jeu en solo laisse un gout fade à cette expérience, il faut lorgner du côté du multijoueurs pour avoir une étincelle de rigolade, plutôt inhérente au réactions entre amis qu’au fond du jeu. On prend un certain plaisir à piller et looter entre potes, étant cependant limités à trois joueurs par équipe. Si on se repère facilement sur la carte une fois en bateau, il est plus difficile de se retrouver en ville, avec le manque de marqueur de position pour chacun. Pire : on ne voit ses amis qu’à une certaine proximité, les autres joueurs étant majoritairement invisibles ou n’apparaissant qu’à courte distance.
Il est ainsi possible de discuter via un chat, quand il fonctionne, ou d’échanger du matériel pour se faciliter la vie en jeu. La progression est plus agréable mais aussi plus simple de la sorte, notez que vous ne pourrez échanger que le matériel d’un niveau de réputation égal ou inférieur à celui de vos compagnons de voyage, ce qui évite les abus et permet un certain équilibre de niveau.
Le titre est aussi assez chargé en bugs au moment de la sortie du test : lors des sessions de jeu, des freezes ont obligé à quitter la partie en plein combat, et à devoir récupérer notre matériel près de la dépouille du navire… Ou des choses moins violentes mais assez gpenantes, comme la notification de mise à mort de la timonerie qui s’affiche en boucle et casse l’immersion. Parfois aussi, impossible d’utiliser les boutons de la manette, seuls les sticks étaient actifs après avoir passé un dialogue, redémarrage nécessaire
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