1989, sur Apple II, Jordan Mechner sort un nouveau jeu, un certain Prince of Persia grâce à l'aide de Brøderbund. La licence va vite rencontrer un certain succès, grâce à cette vision propre de l'univers des mille et une nuits et grâce à un gameplay inspiré misant sur le mouvement, la qualité de l'animation et quelques trouvailles intéressantes. La licence va prendre son envol et, en 2003, c'est Ubisoft qui va sortir un titre devenu incontournable, Prince of Persia : Les Sables du Temps, assurément le plus connu de la licence. Suivront ensuite l'Âme du Guerrier et les Deux Royaumes dans le cadre de la trilogie initiée. Les Sables Oubliés est hélas un opus plutôt oubliable tandis que le Prince of Persia de 2008 offrait une belle proposition dans le cadre d'un reboot de la licence. Le duo du Prince et d'Elika fonctionnait parfaitement et les développeurs en avaient profité pour offrir une nouvelle direction artistique et réviser la notion du rapport à l'échec en préférant opter pour une main tendue plutôt qu'un Game Over.
Puis, la suite, vous la connaissez sans doute, la licence Assassin's Creed, la petite cousine, est née et a éclipsé les histoires de notre Prince. Avec l'annonce d'un Remake du jeu Les Sables du Temps, nous espérions voir le retour de la licence début 2021 mais les nombreuses critiques émises alors ont obligé Ubisoft à repousser la sortie. Finalement, c'est mi-2023 que la belle annonce est tombée : Prince of Persia fera son grand retour... non pas avec le Remake mais avec une toute nouvelle proposition baptisée Prince of Persia : The Lost Crown. Prévu officiellement pour le 18 janvier, avec une sortie en accès anticipé dès le 15 et une démo accessible dès aujourd'hui, le titre est entre nos mains depuis quelques jours grâce à une version numérique fournie par Ubisoft. Nous ne l'avons pas encore terminé, cumulant pour l'heure 8 heures de jeu, mais nous tenions à vous proposer notre avis, surtout que nous approchons grandement de la fin de l'aventure principale (en étant loin des 100%). Notre critique complète sera disponible pour la sortie officielle au plus tard.
Rassurez-vous, nous n'allons pas vous spoiler le scénario. Dans les grandes lignes, nous incarnons Sargon, un guerrier qui a rejoint le groupe des Immortels. Le prince Ghassan se fait enlever et notre groupe part à sa recherche. Ce n'est pas forcément original mais ça a le mérite d'assurer un fil conducteur pour inviter les joueuses et les joueurs à parcourir le dédale qui les attend. Plutôt placée en arrière-plan par rapport au fil de l'aventure, l'histoire se suit sans déplaisir, avec quelques retournements de situations, dont un assez convenu, un peu de mystère et un lore plutôt fourni par l'intermédiaire de pages à lire, sans parler de quelques conversations qui permettent de glaner des informations sur l'univers du jeu. Le bon point, c'est que le rapport au temps est bien présent. Nous attendons de voir la fin avant de nous prononcer plus sur les qualités ou les défauts du scénario. En tout cas, nous avons le plaisir de croiser certains personnages qui vont nous aider dans notre quête, soit en distillant des indices (payants), soit en nous permettant d'acheter un bout de carte, soit en nous donnant la possibilité de nous offrir quelques artefacts et autres améliorations. Que ce soit une jeune fille qui se balade sans crainte partout, une dame sage, un vieux fou ou quelques créatures plus étranges, il y a du beau monde.
Avec la formule Assassin's Creed qui existe déjà, avec des Prince of Persia qui ont déjà fait leurs preuves et un Remake des Sables du Temps en préparation, la difficulté pour Ubisoft était de trouver une formule qui permette de redonner une identité à la licence. Assez logiquement, pour mettre en avant le mouvement, la fluidité des transitions, les combats, les phases de plateformes, les pièges, etc., les développeurs d'Ubisoft Montpellier ont opté pour un Metroidvania. Imaginez donc un palais géant et ses alentours, le tout découpé en plusieurs tableaux qui communiquent, ou non, pour offrir un véritable labyrinthe poussant à l'exploration. Voilà, vous avez une idée de ce que représente la carte de ce nouvel opus que l'on découvre tout au long de l'aventure. On conserve ainsi une certaine unité de lieu puisqu'il n'est pas question de passer d'un monde à un autre, tout en profitant d'une belle diversité grâce aux divers environnements que l'on explore. Il y a même quelques salles cachées à découvrir pour se frotter à des énigmes qui demandent une certaine réflexion. Les archives, les catacombes, un village pirate, une forêt et plus (nous vous laissons le soin de la découverte), les décors sont variés et les environnements fourmillent de détails, dont certains sont très organiques. Comme la progression se fait en 2D, on arrive facilement à se repérer et la visibilité est plutôt bonne, ce qui n'enlève pas la présence de quelques pièges sournois qui vont demander de tenter encore et encore certains passages jusqu'à y arriver.
Clairement, si les passages de la progression principale sont parfois permissifs, d'autres demandent beaucoup plus de concentration, avec des timings serrés ou des enchaînements dans les actions qui sont à la seconde près ou au pixel près. Le défi est donc plutôt relevé. Les pièges sont souvent assez classiques, avec des pics, des endroits empoisonnés, etc. mais ils n'en restent pas moins efficaces. En plus, tout au long de la progression, Sargon obtient de nouveaux pouvoirs. Si dans un premier temps il peut sauter ou sauter un peu plus haut en maintenant la touche appuyée, il va très rapidement pouvoir faire une glissade au sol, un dash aérien, poser une ombre à un endroit, sen éloigner et y revenir d'un clic de gâchette ou encore jouer avec les dimensions (pour certains éléments de couleurs rose et violette) en appuyant sur le stick droit afin de faire apparaître ou disparaître une plateforme. A soi alors de cumuler les compétences et de les utiliser au bon moment pour passer les obstacles. Les passages les plus difficiles sont toutefois les plus gratifiants lorsqu'on y arrive, offrant en prime quelques belles récompenses dans des coffres. Metroidvania oblige, certaines routes sont bloquées tant qu'on n'a pas le bon pouvoir. Une fonction photo permet alors de garder en mémoire le lieu d'un trésor par exemple pour y revenir plus tard.
On pourrait alors penser que les allers/retours sont légion et pourtant ce n'est pas le cas, même s'il y en a quelques uns. Les développeurs ont vraiment bien bossé sur le level design, plusieurs raccourcis sont à débloquer pour revenir plus vite sur ses pas et il y a également des statues à reconstituer qui servent de points de téléportation pour éviter de tout se retaper. En somme, cela permet de passer d'un environnement à l'autre. Pour cela, il faut toutefois les trouver et briser le sceau qui les maintient détruites. Avec pas mal d'éléments cachés à trouver, il est clair que la formule est intéressante, permettant aux collectionneurs d'allonger le nombre d'heures, tandis que les personnes souhaitant aller à l'essentiel pourront esquiver plus ou moins volontairement certains pans et ainsi aller plus vite. Notons simplement que, un peu avant le milieu du jeu, il y a un petit ventre mou au niveau de la progression puisque le titre nous bloque dans l'accès à la phase finale en demandant de récupérer des plumes spéciales qui permettent d'obtenir un nouveau pouvoir. Cela vise forcément à pousser l'exploration et à allonger la durée de vie mais ça casse la progression de l'histoire. C'est histoire de chipoter puisque cela permet d'explorer deux parties inédites de l'environnement et de se confronter à des énigmes retorses. Jouer avec le temps est toujours aussi appréciable!
PoP The Lost Crown ne se limite pas à des puzzles et des phases de plateformes parfois alambiquées. Il repose également sur un système de combat dynamique et exigeant. Simplement, on attaque avec la touche X, avec jusqu'à trois attaques consécutives, voire une quatrième quand on remplit une certaine condition. Avec les orientations haute et basse, on peut également continuer les combinaisons en enchaînant l'ennemi dans les airs ou au sol, du moins lorsque c'est possible. A cela, il faut ajouter une jauge d'Athra, une sorte d'énergie que l'on cumule sur un ou deux niveaux, permettant de lancer une attaque spéciale. Là où ça se complique, c'est pour la défense. En effet, notre Immortel ne peut pas tenir la garde. Il a donc deux possibilités pour éviter les attaques, à savoir esquiver (le dash et la glissade sont là pour ça, notamment lors d'une attaque imparable) et parer. La fenêtre de parade est assez serrée et il faut être vraiment vigilant pour l'enclencher au bon moment, surtout quand il y a plusieurs ennemis. A vous donc d'apprendre les patterns assez simples de chacun pour savoir comment et quand contrer. Si vous échouez, vous verrez votre barre de vie descendre assez vite et votre barre d'Athra diminuer par la même occasion. En revanche, si vous y arrivez, vous vous offrez une ouverture pour placer une contre-attaque. Mieux, si vous placez une parade parfaite, vous pouvez éliminer un ennemi en un coup, le tout avec une petite animation des plus classes qui n'est pas sans rappeler certains styles de mangas. Bien entendu, certains ennemis spécifiques demandent une approche différentes, comme celui au masque reconnaissable qui bouche un tunnel ou un autre qui est capable de vous envoyer en prison. Et attention, Metroidvania oblige, chaque ennemi réapparaît à la seconde où vous quittez le tableau.
Pour vous aider dans votre tâche, outre les améliorations déjà évoquées, notamment à la Forge, il est possible de s'offrir une barre de santé rallongée, la possibilité d'utiliser une deuxième potion, d'améliorer l'efficacité des potions et d'équiper des amulettes. Pour cela, il faut trouver l'un des arbres Wak-Wak (un arbre persan mythique) qui permet de sauvegarder, régénérer sa santé, récupérer son stock de potion et équiper ses amulettes et ses Athras. Il y a même quelques surprises parfois avec des dialogues ajoutant au lore. Pour en revenir à ce qui nous intéresse, notre héros a un collier qui lui permet d'équiper des amulettes occupant un à trois emplacements. Chaque amulette a un pouvoir spécifique, comme augmenter les coups portés si la santé est au maximum, permettre d'éviter un coup fatal en régénérant une partie de la vie, obtenir une indication sonore à l'approche d'un élément à découvrir, etc. Le tout réuni, on a une véritable impression de montée en puissance au fil de l'aventure, ce qui est très appréciable, d'autant que certains ennemis sont un peu plus retors que d'autres. De fait, leurs réapparitions incessantes peuvent parfois faire souffler, surtout si vous êtes en mode exploration et que vous passez plusieurs fois par la même salle. Comme les sauvegardes ne se font qu'au niveau des arbres, si vous échouez et obtenez le fameux écran de Game Over, et vous le verrez quelques fois, vous devrez recommencer au dernier arbre rencontré. La règle a toutefois son exception lors de combats contre les boss, avec la possibilité de simplement reprendre au début du combat, sans devoir se retaper la progression.
Clairement, ce PoP The Lost Crown est loin d'être évident, il offre même un certain challenge très appréciable. Pour ne laisser personne sur le bord de la route, Ubisoft Montpellier a travaillé sur l'intégration de plusieurs options afin de permettre à tout un chacun de moduler l'expérience. En premier lieu, ce qu'on doit choisir au tout début, c'est la possibilité ou non d'être guidé. En somme, on peut opter pour une carte vierge que l'on découvre soi-même et sur laquelle on doit placer ses propres marqueurs, trouver les nouvelles quêtes... Ou passer au mode guidé qui affiche les éléments à récolter, les prochains lieux où se rendre pour poursuivre l'aventure, etc. Nous avons opté pour la première solution qui pousse à l'exploration mais clairement l'idée du choix est excellente, d'autant qu'on peut opter pour l'un ou l'autre à n'importe quel moment. Deuxième point, ils ont mis en place quatre niveaux de difficulté et plusieurs options. Outre la possibilité d'inverser les axes des joysticks, on peut moduler chacun des quatre niveaux de difficulté en ajustant les dégâts des ennemis de 0,1 à 2, les dégâts environnementaux de 0,5 à 2, la santé des ennemis de 0,5 à 2, la difficulté des parades (facile, normale ou difficile pour plus ou moins agrandir la fenêtre d'action), la fenêtre d'esquive, le taux de perte d'Athra (de désactivé à très rapide), le gain d'Athra de 0,5 à 2 ou encore le taux de perte d'Athra lors des dégâts reçus. Cela permet ainsi de se faciliter les combats ou au contraire de les durcir, en sachant qu'il est possible également d'activer une aide au ciblage pour tourner automatiquement le personnage vers l'ennemi le plus proche. Il y a même une aide à la visée pour utiliser l'arc et une autre attaque ciblée utile aussi bien durant les combats que durant les phases de plateforme (pour faire sonner des cloches par exemple). Côté plateforme, on peut activer une aide à la plateforme pour créer un portail permettant de passer les zones trop difficiles. Ainsi, il n'y a pas de frustration et on peut continuer le plaisir de la découverte.
Toujours du côté des options, on peut régler plusieurs paramètres de l'affichage, dont la taille du HUD, la police, l'arrière-plan des sous-titres, la langue du texte ou encore activer un contraste élevé pour mieux dissocier le plan du jeu de celui du décor en arrière-plan. Enfin, le titre étant doublé dans plusieurs langues, dont le persan, l'allemand, l'espagnol, l'anglais et le français, on peut se faciliter la vie avec les doublages dans sa langue maternelle ou profiter de l'immersion la plus totale avec le persan. Il n'y a pas à dire, c'est du très bon travail. Si nous avons un peu de mal avec le doublage français de Sargon, il faut tout de même avouer que le rendu est très correct et que l'ensemble est plutôt bon. Les musiques sont elles aussi agréables et en adéquation avec l'univers. Visuellement, on sent que le titre est un projet plus petit. Au-delà de son prix de vente public conseillé fixé à 49,99€, on voit bien que la réalisation est loin de celles des AAA actuels. Quelques petits bugs graphiques, un affichage parfois un peu tardif, des textures qui ne sont pas toujours très détaillées, on pourrait bien sûr pointer du doigt certains éléments ou autres effets un peu plus sommaires. Néanmoins, le titre compense largement cela grâce à sa direction artistique. On aime ou non le design de Sargon (nous avons bien accroché) qui est assez moderne mais tout le reste est à saluer. Encore une fois, les environnements sont superbes, détaillés et variés, avec même des endroits plus organiques très appréciables. Les créatures ont un design réussi, c'est coloré et le rendu est vraiment très agréable à l’œil avec cet aspect un peu dessiné. Clairement, on a un beau jeu. Techniquement, ça tourne bien également puisque nous n'avons pas subi de baisse de framerate ou de bug majeur, à part le vieux fou qui est resté bloqué une fois à sa position, ce qui a été réinitialisé en quittant le tableau et en y revenant. A part ça, le rendu est très propre, ça bouge très bien. Les développeurs ont travaillé les animations, ils ont bossé sur le mouvement si cher à Jordan Mechner (qui n'est pas impliqué dans le projet) et cela se ressent. La progression est agréable, fluide et précise. Si on meurt, on sait que ce n'est pas la faute du jeu (à part quand il y a une créature volante dans l'équation) mais bien à cause de soi, à cause d'une inattention ou d'un manque de précision dans le timing.
On a adoré : Environnement travaillé et varié Level design irréprochable Gameplay précis et exigeant Plein d'options pour moduler l'expérience... Et éviter toute frustration Plein d'options en faveur de l'accessibilité Direction artistique léchée La montée en puissance La fluidité du mouvement Des références au lore de la licence Gameplay dynamique Les pouvoirs (glissade, dash, ombre, monde alternatif...) Une recette Metroidvania maîtrisée Les phases de plateforme au pixel/ à la seconde près pour certains |
On n'a pas aimé : Les phases de plateforme au pixel/ à la seconde près pour d'autres Un petit ventre mou juste avant la moitié Quelques ennemis que l'on maudit Une histoire en filigrane Un certain classicisme dans la formule Quelques textures en deçà, un ou deux retards d'affichage |
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