Un vent de fraîcheur souffle sur le cinéma, il vous est gentiment livré en pleine face par la semelle d’Henry, le héros du film en question. Filmé intégralement en vue subjective, tel un bon vieux FPS, le film vous promet de vous faire vivre « l’expérience la plus intense et la plus originale […] au cinéma depuis bien longtemps ». Rien que ça… Il faut en avoir dans le caleçon pour balancer une phrase comme ça. Heureusement, Hardcore Henry est plutôt gâté par la nature.
Le concept du film est de vous faire vivre au cinéma ce que vous avez l’habitude de voir dans un FPS... Et dire que ça fait des années que le jeu vidéo fait l’inverse. Vous êtes donc censé incarner Henry, tout du moins c’était le but premier. Parce qu’en pratique, on n’a absolument pas, et à aucun moment, l’impression d’être à la place du personnage. Cela ne pose aucun problème en soi au long du film, mais il fallait quand même le noter. On « incarne » donc Henry, un mec qui se réveille sur une table d’opération, qui ne se souvient de rien et qui apprend d’une charmante demoiselle, sa femme, qui vient de le ramener à la vie, qu’il est désormais en majeure partie un cyborg. Alors qu’à ce moment précis vous étiez déjà en train de fantasmer sur une scène de sexe hardcore en vue subjective avec elle, un psychopathe à la coupe de cheveux peroxydée et aux pouvoirs télékinésiques fait irruption dans le laboratoire où le héros se trouve, butte tout le monde, notamment le scientifique qui était sur le point de lui installer le module de la parole, le poussant à s’échapper.
Seulement voilà, le méchant le rattrape, kidnappe sa femme et Henry n’a désormais plus qu’un seul but : retrouver bobonne et défoncer la tronche du vilain… Et voilà qui boucle le scénario. À part un certain Jimmy qui vient en renfort, il n’y a pas grand-chose d’autre à noter. Clairement, l’intérêt du film ne réside pas là. Même si le final révèle quelques secrets grâce notamment au cerveau du spectateur qui reste en mode « pause » tout au long du film, on percute tout de même la finalité de l’ensemble assez rapidement. Non, le vrai intérêt du film, c’est la violence et l’action. Henry, dans sa quête pour éclater la cervelle du kidnappeur, va devoir affronter un nombre impressionnant d’ennemis, en se servant de ses pieds, ses poings ou de diverses armes. Et là, le film provoque la même sensation qu’un bon coup de pied dans les parties intimes pour ceux qui les ont « à l’extérieur » : un truc brutal et violent qui ne semble ne jamais vouloir s’arrêter. Sur le principe, on se rapproche beaucoup d’Hyper Tension avec Jason Statham.
Le film est nerveux, rapide et sans véritable temps mort. Mais surtout, le film est violent. Si une belle gerbe de sang repeignant le mur derrière lequel se tenait un soldat vous donne la nausée, alors vous risquez de vomir toutes vos tripes. Telle une moissonneuse-batteuse, Henry fauche ses ennemis à un rythme impressionnant. Et vas-y que je te tranche la gorge, et vas-y que je te refais le portrait à coups de poing, et vas-y que je me bats contre un tank avec un sabre, et vas-y qu’on me tire dessus au lance-flammes en pleine ville... Il ne doit pas se passer plus de cinq minutes sans que quelqu’un ne meurt dans une belle effusion d’hémoglobine. Mais il n’y a pas que ça dans le film… Non, y a aussi des phases de parkour, où le héros saute dans tous les sens ou essaie de rattraper un méchant. Il y a aussi le fameux Jimmy, votre seul allié, qui est complètement taré et très très haut perché. Il apporte une légère dose d’humour plutôt bienvenue. En résumé, l’ensemble est électrisant et ne vous laissera aucune minute de répit. Mais ça ne veut pas dire qu’il est parfait pour autant. Parce que buter tout le monde, c’est cool, c’est grisant.
Rappelez-vous le DOOM dernier…
Sauf qu’au bout d’un moment, ça devient un peu répétitif. L’action est un peu « bas de plafond » et peine à vraiment se renouveler au fil du film. Il y a pourtant de vrais efforts pour essayer d’apporter de la fraîcheur, notamment avec des passages en véhicule... mais le problème, c’est que dans ce genre de films très rythmé, il faut jouer sur la surenchère. Ici, il s’agit plus d’une constance ponctuée de quelques scènes originales et c’est fort dommage. On aurait aimé aussi des scènes un peu plus malsaines et un peu plus « crades ». Il faut tout de même reconnaître que le combat final est à la hauteur de ce qu’on pouvait attendre et conclut le film avec les honneurs. Mais pourquoi tant de répétitivité alors ? Tout simplement parce que le long-métrage se base sur un clip vidéo que son réalisateur Ilya Naishuller avait tourné pour un de ces morceaux (Bad Motherfucker de Biting Elbows) et que le film est une extension de ce dernier. D’ailleurs, l’aspect musical dans le film est très prononcé et le côté « clip vidéo » a un peu tendance à ressortir. Le montage sonore est cependant bien fait.
Par exemple, la musique se coupe quand le héros perd l’avantage, avant de repartir quand ce dernier reprend les choses en main. En parlant de montage, parlons du montage vidéo et de la réalisation. Le film a été entièrement filmé en Go-Pro, ce qui, par moment, donne inévitablement des scènes brouillonnes, notamment lors des combats au corps à corps. Alors certes, filmer comme ça donne une réalisation dynamique grâce aux multiples mouvements de tête, mais l’image tremble du coup tout le temps et enlève parfois de la lisibilité à l’action. C’est vraiment un gros point noir. On peut noter quelques séquences intéressantes baignées d’une lumière orangée qui crée une vraie ambiance, comme les dernières minutes du combat final et le passage dans le bordel. Ah et au passage, non, il n’y a pas de scène de sexe… On peut aussi souligner les effets de vision robotique et les plans où on a une image pour chaque œil qui exposent la volonté d’être dans la démonstration technique.
Concernant le montage en lui-même, on se rapproche du clip de Smack My Bitch Up des Prodigy, avec des plans coupés d’une même action qu’on ampute de quelques secondes pour ajouter du dynamisme. Seulement certaines coupes sont tellement violentes qu’on se demande comment Henry a fait pour arriver là et ça aussi, ça fait tache. Un dernier petit mot, avant de conclure, sur les effets spéciaux, réels et numériques. Tout ce qui est réel est bien fait, d’ailleurs, le travail des cascadeurs est vraiment remarquable. Pour de ce qui est du numérique… On se demande un peu où sont passés les 250 000$ récoltés en crowdfounding. Parce que même si les effets de gerbes de sang sont bien faits, tout ce qui sort de l’hémoglobine est franchement moyen, voire même vraiment limite si on ne parle que des effets d’explosions et de flammes. Vraiment dommage, des effets impeccables auraient renforcé l’intention d’immersion et auraient éloigné l’effet « jeu vidéo », qui par moment donne une irrépressible envie de prendre la manette…
L’avis perso de Vegakiller // Un bon First Person Movie
Après avoir vu la bande-annonce, je ne m’attendais pas à grand-chose. J’ai passé au final un bon moment mais pas de quoi me bouleverser pendant des jours. À voir au moins une fois dans sa vie entre potes. Après, j’ai regretté que malgré de bons passages WTF, l’ensemble manque de trucs vraiment crades, je ne l’ai pas trouvé assez sombre.
On a aimé
On n’a pas aimé
Action effrénée Rythme très soutenu Vue subjective intéressante Scènes loufoques Final bien maîtrisé
Scénario minimaliste Effets numériques moyens Très répétitif Parfois brouillon
Une belle démonstration technique
Violent, fun et rythmé. Voilà les trois qualités principales d’Hardcore Henry. Mais elles ne suffisent pas à pallier les défauts du film, surtout la vacuité du scénario. Au final, on a droit à une démonstration, une jolie vitrine technique, très agréable à suivre, à condition qu’on pose son cerveau sagement sur le canapé et qu’on s’enfile plusieurs canettes de Red Bull. L’aspect jeu vidéo est très présent, difficile de dire si c’est vraiment un mal ou un bien… En tout cas, une chose est sûre, Hardcore Henry vous met une grosse claque en pleine face, et parfois ça fait du bien.