Thomas Méreur le dit lui-même au début de son ouvrage Les secrets d’Assassin’s Creed, quand on est journaliste pigiste, pour se différencier, on vise la spécialisation, devenir une sorte d’expert dans un genre ou à propos d’une licence ou d’un éditeur. L’ancien rédacteur de Gamekult a affuté sa plume sur une licence bien connue d’Ubisoft, à savoir Assassin’s Creed… A tel point qu’après diverses critiques, il a fini par écrire un livre racontant l’évolution de la licence entre 2007 et 2014, soit la génération PlayStation 3 / Xbox 360. Cet ouvrage, nous vous en parlons aujourd’hui puisque nous l’avons reçu il y a quelques jours de la part de Third Editions, l’éditeur. Prêt(e)s pour un saut de la foi ?
Logiquement, le premier contact avec le livre se fait au travers de la couverture. Nous avons reçu l’édition classique qui arbore l’illustration de Marion Millier. On y retrouve notamment une cartographie du Canada, pays de naissance de la licence, ainsi que la représentation d’un aigle, animal cher à la saga, qui abrite sous ses ailes divers logos faisant référence aux jeux, de l’animus au tomahawk en passant par la lame secrète, le logo d’Abstergo, les fameuses plumes à collecter, la pomme d’Eden ou encore la représentation de l’ADN. Le poitrail quant à lui affiche le logo de la confrérie des Assassins, avec un vernis rouge du plus bel effet, et la croix des Templiers avec le même traitement visuel. C’est très élégant et c’est chargé en symboles.
Il va sans dire que pour la symbolique l’auteur a pu faire appel à Patrice Désilets, lui qui est considéré comme le papa de la licence, pour assurer une page de préface. Son rapport à la licence, son lien avec ses filles, introduisant implicitement le sentiment de génération qui est au cœur de la saga dans la transmission des souvenirs par l’ADN, il n’en faut pas bien plus pour avoir l’eau à la bouche.
Ensuite, le découpage du livre est vraiment très simple. Nous avons un jeu, un chapitre. Assassin’s Creed, AC2, AC Brotherhood, AC Revelations, ACIII, ACIV Black Flag et AC Rogue. Bien entendu, il y a également quelques mots sur l’opus sorti sur PS Vita, à savoir ACIII : Liberation, celui-ci relevant de la prouesse technique. Nous n’allons pas paraphraser son livre, cela n’aurait aucun intérêt, mais nous tenons à vous indiquer qu’il permet de bien comprendre comment un projet Prince of Persia qui devait redéfinir un genre avec l’arrivée d’une nouvelle génération de consoles est devenu une licence à part entière qui a tracé sa propre route. Avec une certaine passion facilement décelable, et même quelques pointes d’humour parfois, Thomas Méreur raconte l’évolution de la saga en mêlant ses analyses, les points de vue collectés dans le cadre de son travail et les extraits d’interviews dont les sources sont tout le temps données en bas de page.
Cela donne un récit assez vivant que l’on prend plaisir à parcourir. Même si son amour pour la série transpire, il ne lisse pas pour autant son point de vue, pointant bien du doigt les problèmes qu’ont rencontré les équipes. Pression de la hiérarchie, travail acharné dans un laps de temps très court, élément prévu comme un DLC qui devient un vrai projet AAA, annualisation de la série qui lui a fait bien du tort… Il n’épargne pas Ubisoft même si dans les conclusions on sent bien ce petit sentiment : « il y a eu ça mais rendez-vous compte de ce que ça a donné ». Et on ne peut pas le contredire pour autant puisque chaque opus a su apporter sa pierre à l’édifice, que ce soit un système de gestion de développement de ville, un mode multijoueur, la refonte de tout un système d’animations (dans ACIII pour coller à la rugosité de l’environnement plus naturel) ou même la possibilité d’incarner enfin un Templier malgré un scénario qui a été trop bâclé. D’ailleurs, ce point, l’auteur le souligne et il pointe aisément du doigt les défauts des jeux, tels que le critique qui est en lui l’a fait lors des « tests » publiés sur Gamekult.
A vrai dire, on sent bien que nous avons ici affaire à un critique et moins à un analyste. Quand on écrit un ouvrage, il est difficile d’être ultra exhaustif. Il faut un angle d’attaque. Thomas Méreur a choisi quant à lui de parler de l’évolution des jeux les uns par rapport aux autres, ce qu’ils apportent au niveau du système de jeu, ce qu’ils modifient dans la perception de l’expérience, les failles qu’ils amènent, voire les codes qu’ils brisent (avec des opus de plus en plus portés sur l’action pour délaisser la discrétion du premier). En revanche, il a délaissé tout ce qui a attrait au lore, aux symboles utilisés. Certes, il évoque quelques éléments ci et là, mais nous sommes bien loin d’une analyse telle que peut l’apporter un certain Jay Grouard avec ses livres sur La Légende Kingdom Hearts parus aux mêmes éditions. Aussi intéressant que soit Les secrets d’Assassin’s Creed, pour une personne qui connaît déjà bien la licence, il semble manquer un pan de l’aventure, surtout quand on sait à quel point chaque volet s’ancre dans une période de l’Histoire. Quand c’est abordé, ça semble un peu trop survolé, comme une vision de l’aigle qui met en surbrillance l’élément pour nous dire : « à toi de t’y plonger de ton côté ». C’est un choix, cela fait partie de l’angle choisi par l’auteur et ça se respecte.
Le livre est-il moins intéressant ? Non, clairement. Pour une personne qui a récemment découvert la licence ou qui a simplement joué aux jeux, le livre permet de faire remonter les souvenirs et surtout de présenter l’envers du décor. On parle du processus créatif, des idées qui se mettent en place pour tenter de justifier la cohérence de l’univers, des équilibrages à trouver pour concilier crédibilité et fun, de tous ces éléments qui font qu’un jeu vidéo nous happe. L’ajout de la Frontier, des phases navales, de la lame crochet, l’évolution du système de combat, l’aspect gestion ou même le simili tower defense, il revient sur tous ces éléments, de comment ils ont été intégrés, sur ce qui fonctionnait et ce qui ne fonctionnait pas. Forcément, c’est intéressant, d’autant que l’on glane quelques informations au passage. C’est toujours bon aussi de voir les prouesses de milliers d’hommes et de femmes de l’ombre pour sortir des jeux si complexes malgré des délais si courts (encore une fois, l’annualisation n’a pas eu que du bon) ou encore la capacité qu’a eu Ubisoft à coordonner plusieurs studios pour assurer les développements.
Pour faire tenir son livre Les secrets d’Assassin’s Creed en 224 pages, Thomas Méreur a dû faire deux concessions. La première, c’est de ne parler que des projets Assassin’s Creed de 2007 à 2014, soit les jeux sortis sur la génération PlayStation 3 / Xbox 360. De quoi laisser la place à un deuxième ouvrage sur les titres de la génération suivante… La deuxième, c’est l’angle de vue adopté pour son bouquin. Il a délaissé une grosse partie de l’analyse du lore et des symboliques de la saga, même s’il esquisse certains traits de temps en temps, pour se concentrer sur l’évolution de la licence, le travail des développeurs. Il montre ainsi les codes qui régissent les titres, ce qui a évolué, l’envers du décor. De la pression de la direction aux merveilles réalisées par le travail conjoint de plusieurs studios, il décrit avec une certaine passion, et toujours en gardant un esprit critique, ce qui caractérise la licence Assassin’s Creed, du moment où elle a été envisagée comme un jeu Prince of Persia au moment où elle est arrivée à nous faire incarner un Templier, soit avant le « reboot » initié par AC Origins. C’est intéressant, c’est agréable à lire et ça donne une porte d’entrée supplémentaire dans l’univers de la licence, au-delà des jeux, des livres, des comics ou même du film… |
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