Un article très intéressant publié par le site anglophone Esquire (que vous pouvez retrouver via ce lien, nous le mettrons aussi en fin d'article) révèle de nombreux éléments essentiels à la compréhension de certains évènements et du marché du jeu vidéo actuel. Nous vous invitons vivement à le lire et à nous dire ce que vous en pensez (attention, l'article est en anglais et il est plutôt dense en information, comptez environ 25 à 35 minutes de lecture selon votre niveau d'anglais). Ce billet est une synthèse de l'article mêlée à nos propres réflexions et à quelques recherches. Précisons aussi qu'un billet bien plus complet et, nous l'espérons, tout aussi intéressant, sera publié d'ici mi-juin (une fois la période des conférences passées) autour des licenciements et de l'état du marché du jeu vidéo - il s'agit d'un article 100% Xbox-Gamer.net (garantie 0% IA!) basé sur de nombreuses recherches et recoupements d'informations, et des réflexions de la rédaction. Autre précision importante : ce billet n'est pas à charge contre le présentateur star (qui traîne malgré tout quelques casseroles) mais bien une réflexion plus générale sur les conférences, l'arrêt de l'E3 et l'arrivée du Summer Game Fest. Nous ajoutons que Geoff Keighley est, d'après Esquire, "un trou noir en terme d'informations" sur ses activités d'après l'article qui a recueilli des informations d'un Insider anonyme. Esquire a d'ailleurs contacté l'organisation du SGF pour obtenir certaines réponses sans succès.
Qu'on le veuille ou non, en quelques années, les événements organisés par Geoff Keighley ont pris une importance toute particulière au sein de la sphère videoludique. Que ce soit la cérémonie des Games Awards (anciennement VGA) en décembre, l'Opening Night Live de la Gamescom en août ou la conférence et l'événement du Summer Game Fest en juin. Esquire décrit cet événement comme un savant mélange de la Comic-Con de San Diego et du malheureusement disparu E3. Et participer à de tels évènements, même via un court trailer, c'est atteindre une audience de plus en plus présente et réceptive (en direct, en differé, sur differents supports, en présence, avec le relais des médias et même des chaînes nationales dans certains cas etc.) - 27 millions de viewers d'après Esquire sur la conférence SGF de 2023, apparemment plus que certains évènements sportifs. C'est aussi un moyen de visualiser ce que représentent ces événements en terme de visibilité pour les développeurs et les éditeurs, sachant que le marché du jeu vidéo représente plus de 180 milliards de dollars de revenus en 2023, soit plus que l'industrie du cinéma et de la musique réunis d'après Esquire (qui cite Newzoo en source).
En substance, Adam Morgan, le journaliste derrière cet article qui a été publié le 6 juin 2024, précise avoir interviewé plus d'une douzaine de développeurs et PR ou membre du marketing de studios de développement afin de recueillir leur avis sur le Summer Game Fest. Et il indique que les studios doivent payer certains montants afin de diffuser des vidéos lors des événements, que ce soit pour la conférence du Summer Game Fest et la soirée des Games Awards (se déroulant en décembre) - l'Opening Night Live n'est pas cité. En somme, deux des trois événements organisés et présentés partiellement ou totalement par Geoff Keighley sont donc concernés. Pour rappel, le journaliste de 45 ans dispose d'un réseau conséquent dans le domaine du jeu vidéo et d'expérience sur Spike TV, ou chez Kotaku et GameSpot notamment, ce qui lui a rapidement permis de monter ce type d'évènements. Précisons que nous n'avons pas connaissance des conditions nécessaires à la diffusion d'une vidéo lors de la grande période de l'E3 ou lors des conférences de certains évènements les années passées et notamment avant Covid, nous n'avons donc pas de moyen de comparaison pour l'instant.
Les prix sont par ailleurs plutôt élevés et certains studios révèlent sur Twitter et en interview anonyme au journaliste que c'est parfois tout leur budget marketing/communication qui passerait dans une seule diffusion.
Esquire s'est amusé à quelques additions. Ainsi, cela représente 9.65 millions de dollars si l'on calcule tous les trailers de la session 2023, sans les vidéos de 30 secondes dont le journaliste n'avait pas d'idée du coût, donc le montant global pourrait être différent. D'autant que cette année, il est possible de réserver sa place pour aller assister à la conférence (41$ la place). De quoi compléter des revenus déjà conséquents.
La vraie question que l'on peut se poser, et que se pose d'ailleurs clairement le journaliste, c'est si cette pratique est saine pour l'industrie. Puisque cela signifie que les conférences présentées par Geoff Keighley sont réservées à des éditeurs et des développeurs qui ont du budget. La possibilité d'y voir des titres originaux, qui sortent de l'ordinaire et des AAA(A) des plus gros éditeurs est donc plus faible...mais pas impossible ! Et surtout, cela donne au présentateur un certain pouvoir qui n'était pas dans les mains des organisateurs de l'E3, puisque c'est lui qui semble être le seul membre officiel de l'organisation de sa société (intitulée LLC filings et enregistrée auprès des autorités compétentes en Californie). Il semble en tout cas avoir les rôle de CEO, secrétaire ou encore CFO.
Tout n'est évidemment pas négatif puisqu'à l'inverse, ce type d'événement permet aux plus petits studios et notamment aux Indies de se faire une place, quand à l'époque l'E3 ne laissait d'espace que pour les 3 gros constructeurs (Microsoft, Sony et Nintendo) et certains très gros éditeurs (Square Enix, Ubisoft ou Capcom par exemple).
Attention, petite nuance importante : après la publication de l'article, Kotaku a aussi enquêté et il a été confirmé que le présentateur star réserve des créneaux gratuits (free slot dans le texte) pour des titres non AAA, pour des studios indépendants qui n'ont en effet pas les moyens de se payer des slots. C'est d'après eux une occasion de remercier le marché pour les montants déboursés et de mettre en avant d'autres acteurs du marché précise la mise à jour de Kotaku (lien en fin d'article).
Ayant précisé cette nuance, il semble important de revenir sur certains éléments essentiels de l'article. Il existe en effet au sein du marché des inquiétudes concernant les événements organisés par Geoff. Cela concerne notamment "le prix d'entrée élevé, l'opacité de l'information et de l'organisation, la place importante que prennent les studios renommés (ndlr : traduction compliquée de "celebritization") et enfin le silence complet du présentateur lors des Games Awards sur les vagues de licenciements de 2023 et 2024". Sur ce dernier point, il a eu quelques mots en début de conférence Summer Game Fest mais ce fut très furtif.
Surtout, des sources anonymes interviewées par Adam Morgan attendent plus des événements de Geoff Keighley. L'article précise qu'en effet, il est très difficile de réussir à obtenir des places pour le Show, même en tant que développeurs. Dans le même temps, certains aimeraient que les "Indies" soient mieux représentés et surtout, qu'ils aient de l'espace et du temps afin de s'exprimer. Notamment pour préciser les difficultés qu'ils rencontrent actuellement. D'autres voudraient que des messages forts soient passés, parfois politiques. Une bonne partie des interrogés estime que le présentateur vit largement grâce aux développeurs et au marché du jeu vidéo, et qu'il peut leur donner un espace pour s'exprimer. D'autant que si l'on en croit l'article, Geoff lit beaucoup les critiques, et semble très ouvert à la discussion et à l'amélioration. Il s'entretient beaucoup avec ses pairs, notamment un certain Miller, co organisateur de l'événement D.I.C.E Awards, concurrent direct des Games Awards mais largement moins médiatisé et moins "commercial". D'après Esquire, Miller estime que "Geoff fait du bon boulot en mettant la lumière sur les Indies", et ajoute qu'il "pourrait sans doute faire encore plus pour eux"...
Il est évident que l'E3 devait évoluer, changer, suivre les changements notables dans le domaine du jeu vidéo. Et sa disparition, sans doute avancée par l'arrivée du Summer Game Fest, représente la fin d'un symbole. Toutefois, l'arrivée d'un vrai festival du JV avec un peu moins d'une quinzaine de conférences en quelques jours, laissant la parole à des développeurs sud-americains, à des femmes, faisant de la place pour l'accessibilité et l'inclusion, est pour nous une évolution positive, l'E3 laissant à l'époque moins de place pour ce type de conférences. Ce qui gêne malheureusement, ce sont les pratiques plus ou moins acceptables qu'il y a en coulisses sur ce type de conférences et d'évènements. Nous pensons notamment au traitement très particulier des développeurs invités sur la scène des Games Awards 2023 (en décembre dernier), des remises de prix vraiment expédiées (rappelez-vous qu'un panneau "Dépêchez vous de terminer" avait été vu lors du show afin de préciser à des développeurs d'aller plus vite, pour tenir la cadence) ou du traitement de certaines catégories hors cérémonie principale. Sans oublier les publicités fréquentes, et c'est encore arrivé lors de la conférence du Summer Game Fest de vendredi avec la très longue (beaucoup trop!) publicité pour le jeu mobile Squad Buster. Publicité ou trailer ? La moindre des choses est de le préciser, exactement comme on demande aux sites et influenceurs de préciser les contenus sponsorisés de leurs publications.
En bref, il faudra sans doute plus de recherche et de travail pour vraiment répondre à la question posée dans le sujet, mais il est évident que le marché du jeu vidéo évolue, se transforme, dans des directions qui peuvent déplaire aux joueurs que nous sommes, avant d'être rédacteurs ou testeurs sur Xbox-Gamer.net. Et qu'on le veuille ou non, le Summer Game Fest et son présentateur star Geoff Keighley font partie intégrante du marché du jeu vidéo, au même titre que la cérémonie des Games Awards.
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