C'était mieux avant ? Difficulté dans les jeux vidéo, enfance et déambulateur.
Publié le 06.09.2017 à 19:19 par Damzema
C’était mieux avant… En général, le fait de prononcer cette phrase vous catalogue souvent d’emblée comme un vieux con. Les dessins animés ? C’était mieux avant. Les jeux vidéo ? C’était mieux avant... Quand la nostalgie traine dans un coin de nos têtes, cette conclusion n’est jamais bien loin mais il faut se méfier car la nostalgie peut aussi être un poison. Une substance indétectable, insidieuse, qui s’incruste dans nos cerveaux pour grignoter lentement mais surement pas mal de nos souvenirs de gosses avec l’effet pervers d’embellir les choses… mais je m’égare, là n’est pas le sujet.
Je suis trop vieux pour torcher ces jeux Megadrive.
Je suis trop vieux pour ces conneries ?!
Si vous êtes un trentenaire comme moi, vous avez alors forcément connu le temps bénie de la Megadrive/Super Nes et l’avènement de la 3D avec la mythique Playstation. Vous avez alors vous aussi torché des centaines de jeux de l’époque. Je vous vois venir, vous vous dites « Mais qu’est-ce qu’il nous fait le vieux cons ? Rentre à la maison de retraite enfiler tes pantoufles en faisant du retro gaming ! » ou alors « Il a raison ! Monde de merde ! Je retourne jouer à Sonic 2 et Super Mario World » mais si je parle de ça, c’est par rapport au test du remake de la trilogie Crash Bandicoot démoulé par Vegakiller sur XG. Dans les commentaires, nous avons digressé sur la difficulté des jeux. Un sujet au combien intéressant.
Alors que l’ami Vegakiller nous expliquait que ce remake était bon et nous replongeait efficacement dans une certaine nostalgie, je me suis rappelé qu’un testeur d’un gros site US avait conclu son billet sur la N’sane Trilogy par ceci : « Crash Bandicoot est le Dark Souls des jeux de plateforme ». Une phrase forte, lourde de sens, qui insinuerait que cette trilogie n’est accessible qu’aux pros de la manette, le joueur lambda prenant le risque de se retrouver face à une difficulté très (trop ?) élevée. Et pourtant, à leur sortie sur PS1, les Crash Bandicoot étaient joués par qui si ce n’est le joueur lambda ? Nous étions des gamins, pas tous spécialistes du jeu de plateforme et pourtant nous avons tous joué à Crash Bandicoot et nous sommes nombreux à avoir terminé au moins une fois la trilogie. Ce qui nous amène à plusieurs questions : Les jeux sont-ils plus faciles ? Les joueurs sont-ils moins bons ? Sommes-nous trop guidés, pris par la main ? Dans la majorité des cas, à notre époque, je serais tenté de répondre trois fois oui.
Récemment, j’ai voulu me refaire 2 jeux Megadrivre que j’adore, 2 Jeux de plateforme : Le Roi Lion et Mickey Mania. Et alors que je m’attendais à les torcher vite fait en une après-midi comme il y a quelques années, je me suis salement cassé les dents dessus. Oh ce n’était pas insurmontable mais ce que j’imaginais comme une promenade de santé s’est transformé en de longues sessions parfois corsées. Le constat est sans appel, sur des jeux de plateforme purs à l’ancienne, je suis bien moins bon aujourd’hui que je ne l’étais à l’époque. Idem sur les jeux Shinobi Megadrive que je connaissais par cœur et qui m’ont donné beaucoup de fil à retordre. Je me suis retrouvé tel un Rocky Balboa embourgeoisé qui reste fort mais qui n’a plus l’habitude de s’entrainer à fond et qui a beaucoup perdu en niveau. Plus du tout habitué à ces gameplay millimétrés demandant parfois un dosage au poil de fesse près, plus du tout habitué aux barres de vie et aux vies limitées qui obligent à tout recommencer, j’ai passé un très sale quart d’heure.
Même dans les genres auxquels je touche encore beaucoup aujourd’hui, je suis devenu moins bon. Sur les jeux de combat 2D à l’ancienne comme Street Fighter III ou Garou, je suis affreusement moins fort qu’il y a 10 ans. Pourquoi ? Parce que dans les jeux récents, on nous mâche le travail, on simplifie tout. Les manipulations des coups spéciaux disposent d’aides qui permettent de valider le coup même si la commande entrée n’est pas totalement précise et correcte. Les timing pour placer ses combos sont infiniment plus permissifs. Les Fury et autres Ultra se déclenchent avec des combinaisons de touches simplifiées. Résultat ? Quand vous rejouez à l’un de ces vieux jeux, ou il n’y a aucune aide, aucune « triche », c’est l’hécatombe. Un habitué qui a continué à y toucher vous pulvérise en 2 secondes pendant que vous foirez 50% de vos coups.
Le RPG ? Pareil. Marqueurs de quêtes, indicateurs visuels avec flèches interactives, cartes avec 3000 indications, déplacements instantanés à foison, touches en permanence affichées à l’écran pour nous rappeler sur quel bouton appuyer etc. Nous sommes bien loin de l’époque de l’antique Baldur’s Gate 2 (le daron des RPG, élément fondateur du RPG tactique) ou il n’y avait aucune aide. Rien pour aider à la création du personnage, pas de tutoriaux mais un apprentissage sur le tas à la dure, des maps sans marqueurs… tu veux suivre la quête ? Alors écoute les PNJ, lis ton journal, regarde la map, guide toi avec le décor. De nos jours combien de joueurs zappent des pans entiers de dialogues pour se ruer sur le prochain marqueur en étant bien guidés par des flèches et une map interactive ? Beaucoup trop. J’ai vu des gens jouer à The Witcher sans en lire les dialogues… J’ai vu des joueurs dirent sur des forums « pourquoi je n’arrive pas à tuer de monstres, le jeu est nul » alors qu’il suffit de changer d’arme. Epée en acier pour les humains, en argent pour les monstres. C’est précisé noir sur blanc, c’est même intégré au scénario mais certains n’arrivent même pas à faire cet effort de compréhension. Du coup, dans The Witcher 3, Geralt dégaine automatiquement la bonne épée en fonction des ennemis qui l’approche. Bien sur ça n’enlève rien aux qualités du jeu qui est excellent mais ça en dit long sur le niveau d’assistanat inclue dans les gamplay modernes.
Ne sommes nous pas tous déjà transformés en ça ?
L’ère de l’immédiateté.
J’ai filé de vieux RPG à des jeunes de 15-20 balais car ils me demandaient quels anciens RPG avaient marqué mon enfance. Je leur ai filé les Baldur’s Gate, ils se sont pétés les dents dessus. Je leur ai filé Gothic 3, ils n’ont pas dépassé la dizaine d’heures de jeu. Ils me demandaient ou était la map… la map fallait en acheter une ! Et puis il fallait la lire comme une vraie map, zéro marqueur sur le bousin. Quand je leur ai expliqué ça et qu’ils ont constaté qu’au bout de 5 heures de jeu, ils se faisaient défourailler par un simple loup sauvage, ils ont lâché l’affaire. Enfin pas tous. Heureusement, dans le lot, certains ont adoré et se sont lancé à fond dans ces RPG certes vieux mais aux combiens riches mais ça représente quoi ? 20-25% des gens à qui j’ai conseillé ces jeux.
Nous sommes entrés de plein pied dans l’ère de l’immédiateté. On veut tout et tout de suite, la patience devient la vertu la plus rare. On commande des colis en express pour les avoir le lendemain, ça nous coute des dizaines d’euros supplémentaires mais pas grave, nous n’aurons pas 48 hr de plus à attendre. On précharge les jeux, ben oui ! Faut pouvoir y jouer day one à la première seconde de la date de sortie ! Et malheur à l’éditeur qui se foire ! « Quoi, le jeu est sorti depuis 2 heures et je ne peux pas y jouer ? Scandale ! ». Les CD ? C’est pour les vieux cons, iTunes est là ! J’ai mon album en 1 seconde, je clique, je paie, j’écoute. La bouffe ? Non je ne veux pas passer une heure par jour pour me faire de bon plat, je préfère acheter des merdes toutes prêtes. Faire cuire du riz, 10 minutes ? Quelle horreur ! Je préfère payer le double pour un sachet 4 fois plus petit mais 4 fois plus cher qui se fait en 2 minutes dans un micro-ondes.
Bref cette frénésie du tout et tout de suite qui régie nos existences a aussi gagné le jeu vidéo. Les joueurs n’ont plus le temps. Plus le temps de potasser des règles trop complexes, plus de temps d’apprendre à assimiler des gameplay profonds et surtout plus le temps de se poser la moindre question. Tout doit être immédiat et simple. Un mec qui crève 10 fois sur un même passage va rager, mettre une mauvaise évaluation au jeu et le jeter aux oubliettes là ou avant on persévérait. J’ai vu des joueurs arrêter de jouer à certains titres parce que c’est trop dur, il y a trop de règles etc. Alors bien sur, j’en vois venir certains, vous allez me dire « et Dark Souls, c’est du poulet ? ».
Moi ado, venant tout juste de terminer Deathtrap Dungeon.
Les enfants du pad.
Et bien je vais vous dire : OUI ! Dark Souls, c’est de la petite soupe de poulet pour papy enrhumé ! J’ai torché, à l’époque, de jeux PS1 qui étaient bien plus durs que Dark Souls, des trucs effroyables dont aujourd’hui encore je me demande comment j’ai fait pour les terminer. Tu te prends pour un fou de la rue parce que tu as terminé Dark Souls 3 ? Essaies de terminer Deathtrap Dungeon et reviens me voir !
Attention, les Dark Souls sont d’excellents jeux et oui, leur difficulté est au-dessus de la moyenne… par rapport aux standards actuels. A une certaine époque, on ne se serait jamais dit « Mais qu’est-ce que ces jeux sont durs ! » mais juste « la difficulté est relevée ». Le fait qu’aujourd’hui un Dark Souls soit considéré comme une expérience hardcore est la preuve irréfutable que le niveau des joueurs grand public a baissé et que les jeux sont devenus bien moins exigeants. D’ailleurs il est bon de rappeler que si la trilogie Dark Souls est difficile à terminer, l’expérience reste moins difficile que dans Demon’s Souls sortie pourtant juste avant et chapeauté par les mêmes développeurs.
Loin de moi l’idée de dire que nous sommes tous des nullos, endormis par des jeux assistés et des gamplay ultra simplifiés mais force est de constater que le niveau général de difficulté a baissé… tout comme celui des joueurs. Les jeux grand public ne proposent plus beaucoup de challenge mais des expériences relativement simplifiées. Bien sur, on y prend du plaisir et c’est beaucoup plus beau et spectaculaire qu’à l’époque des MD, SNES ou même PS1 mais il n’y quasiment plus cette notion de l’effort récompensé. Ce sentiment de satisfaction quand, après avoir galéré comme pas possible sur un passage ardu, on arrive enfin à aller plus loin. Tout ça a presque disparu et les gameplay millimétrés, les RPG complexes etc se font rares. De temps en temps un Super Meat Boy ou un Pillars of Eternity pointe le bout de son nez pour nous rappeler que « Eh les mecs ! On est encore là ! Nous les jeux à l’ancienne. Nous nous sommes modernisés mais nous n’avons pas sacrifié la complexité qui faisait le charme des jeux d’antan ».
Il y a bien évidemment des avantages à cette baisse de difficulté et à cette plus grande accessibilité. Plus de joueurs peuvent jouer. Aujourd’hui, tout le monde est capable de terminer le dernier gros RPG à la mode, tout le monde peut jouer à un jeu de combat sans devoir s’entrainer des heures, tout le monde peut s’en tirer sur les derniers FPS. Le public s’élargie, le jeu vidéo est le loisir n°1 et il est bien parti pour le rester. Une épée à double tranchant. En tout cas, parfois, dans mon coin, je repense comme un vieux con à cette époque ou l’on fracassait des jeux bien hardcore alors que l’on était haut comme 3 pommes et que personne ne nous expliquait rien. Pas de vidéos Youtube, pas de soluces. Nous étions les enfants sauvages du pad, élevés tout seuls à la dure. On débarquait sur un jeu avec notre bite et une manette et il fallait se démerder. Bien sur, parfois on en prenait plein la gueule, on se tapait des crises de nerfs mais bordel, on était balèze !
Il y a peu sur Twitter, Ian Miles Cheong (journaliste, Daily Caller, The Sun, The Escapist) publiait la vidéo d’un confrère jouant à Cuphead. Pourquoi ? Parce que ce dernier était tout simplement tellement nul qu’il n’arrivait même pas à passer le tutorial… tutorial avec bien toutes les touches affichées clairement à l’écran. Pire, le mec a passé plus de 30 minutes sur le niveau 1 sans le terminer. Cela pose aussi une ultime question : quel est le niveau de ces gens qui notent nos jeux ? Ou quand des mecs totalement nuls se retrouvent à noter des jeux ou ils galèrent alors qu’un enfant de 10 ans pourrait les torcher en une aprem’. Car si le niveau des joueurs a baissé, inutile de vous dire qu’au niveau des testeurs le constat est le même… voir pire ! Du coup ce nivellement par le bas qui nous entraîne vers moins d’exigence fait également salement dégringoler l’utilité et l’intérêt de 75% des sites ou les mecs qui foutent leurs notes n’ont la plupart du temps même pas terminé le jeu… mais ceci est une autre histoire.
En attendant… c’était mieux avant… ou pas ?
Moi aujourd'hui, après avoir battu le premier boss dans Dark Souls au bout du 20ème essai.