"Dégage, sale Arabe !"
Publié le 26.11.2009 à 21:54 par Rikimaru
Ceux qui se sont procuré le Libération en date du Mardi 24 Novembre ont pu lire en couverture : "Dégage, sale Arabe." Derriere ce titre tape à l'oeil, se trouve un témoignage accablant et exclusif sur la police.
Anyss Arbib, un jeune étudiant à Sciences-Po Paris, issu de l'immigration marocaine et résidant à Bondy (93), part fêter la qualification de l'Algérie au Mondial de football au détriment de l'Egypte, Mercredi 18 Novembre au soir, avec des amis. Il va alors etre témoin et victime de violences policières aveugles qu'il va raconter sur sa page Facebook.
"Au coeur d'une guerre franco-française.
Mercredi soir, quand l'Algérie se qualifie, en banlieue, il y a des explosions de joie. Moi, je suis français issu de l'immigration marocaine. J'ai un ami d'origine algérienne qui me dit : "
Viens, pour une fois, on va fêter ça à Paris." On monte dans sa voiture immatriculée 93. Des milliers d'autres personne ont eu la même idée. Sur le périphérique, le trafic est bloqué. Des gens descendent de leur véhicule et agitent des drapeaux algériens. On finit par rejoindre l'Arc de triomphe et les Champs-Elysées. Quand on arrive, c'est calme, mais dix minutes plus tard ça commence à dégénérer. Des jeunes lancent des bouteilles et des pétards sur les forces de l'ordre. Les habituels casseurs profitent des circonstances pour briser des vitrines et se livrer à des larcins. J'en vois certains courir avec des costumes dans les mains. Les forces de l'ordre répliquent. Ce qui est normal. Là on se dit : "
Stop ! On rentre." On retourne en voiture vers la Porte Maillot. Avant de prendre le périphérique pour rentrer à Bondy, on stationne sur le bas-côté pour attendre le frère de mon ami qui se trouve dans une autre voiture avec un copain. Des CRS sont présents, mais tout se passe bien jusque là . D'autres automobilistes arrivent, et stationnent. Ils sont comme nous : ils sont partis en groupe et veulent rentrer en groupe. Comme nous, ils ont quitté les Champs-Elysées parce qu'il ne veulent pas être mêlés aux violences. Certains descendent de voiture pour fumer une cigarette. Il est autour de Oh30. Là , arrivent d'autres cars de CRS. Des hommes descendent et commencent à donner des coups de matraque à toute personne en dehors de sa voiture. Ils cognent sans raison et sans aucun ménagement sur des gens qui n'ont rien à se reprocher. Ils instaurent un climat de terreur. La logique est manifestement de faire peur à tout le monde. Plus ils arrivent nombreux et plus ils sont violents. Un père de famille, debout devant son véhicule, se prend un grand coup de matraque sur le flanc. Il repousse le CRS. Et là , à plusieurs, ils se mettent à le matraquer. Ils agissent avec beaucoup de vulgarité : ils disent aux gens "
dégage" ou "
casse-toi", au lieu de dire "
partez." A un moment, on assiste à une scène hallucinante : une BMW arrive des Champs, coursée par des policiers en civil. Je suppose que le conducteur avait commis quelque chose. La voiture est obligé de ralentir. Un policier parvient à ouvrir la porte avant. Le conducteur perd le contrôleet emboutit deux autres automobilistes. Ils sortent le jeune de son véhicule et commencent à le rouer de coups sans retenue. Ils ont cessé lorsque des témoins se sont mis à crier : "
Arrêtez vous allez le tuer !" Je considére qu'il est du devoir de la police d'arrêter des gens qui ont commis un délit. Mais pas avec un tel déchainement de violence. [...]
Peu après, la voiture dans laquelle se trouve le frère de mon ami arrive. On décide de partir. A ce moment là , on voit un CRS fracasser le nez d'un jeune à coup de matraque net et précis. On regarde, attérés. Un CRS s'approche de notre voiture, tape du poing sur la tôle et lance : "
Qu'est-ce que tu regardes ? Dégage, dégage !" Je commence à trouver cela révoltant. J'ai l'impression que nous ne sommes plus dans un Etat de droit. On est livrés à une police qui agit comme elle le veut, qui déploie une violence incroyable sans légitimité. Porte Maillot, il n'y a pas de casseurs. Au policier qui me demandait ce que je regardais je lui réponds : "
Je regarde devant moi, je connais mes droits, je suis étudiant à Sciences-Po !" Réponse : "J'emmerde Sciences-Po !" Je lui fais observer que je suis poli avec lui et qu'il n'a pas à utiliser un tel language. Il coupe court : "
Ferme ta geule !" Son collègue me pulvérise sur le visage un gaz lacrymogène. C'est la première fois que cela m'arrive. C'est une agression gratuite. Un geste injustifiable. Je n'arrive plus à respirer. Je sors de la voiture, je m'allonge par terre. J'ai la sensation d'agoniser en étouffant. Mon ami est dans le même état. Quand je reprends mes esprits, j'essai d'avoir des explications. On me dit : "
Dégage, sale Arabe !"
Après coup, mes copains m'ont dit : "
Sciences-Po ou pas, tu reste un Arabe." [...]
Quand il y a des manifestations de ce type, on se retrouve identifié comme un ennemi comme un ennemi dans sa propre République. Or les seuls points commun entre casseur et moi, c'est qu'on est tous les deux français et qu'on a tous les deux le teint bronzé. A part ça, je n'ai pas plus de point commun avec lui qu'avec quelqu'un qui promène son chien avenue Foch. Je ne suis pas dans la victimisation. Je me suis toujours battu pour atteindre mes objectifs en utilisant l'offre qui est faite à tout citoyen. Je veux juste témoigner des dérives auxquelles j'ai assisté. Des gens se sont battus pour avoir des droits dans ce pays, je ne veux pas que, plus tard, mes enfants subissent encore ce genre d'injustices."
Cette semaine, Libération a contacté la préfecture de police de Paris à propos de ce témoignage. La préfécture a indiqué qu'aucune plainte n'a été déposée auprès de l'Inspection Générale des Services (IGS, la police des police).
Il ne faut pas être trompé par les mots : ce genre de violences, de bavures policières, horribles, injustes et indigne d'une démocratie ou de quelque pays que ce soit d'ailleurs, est de plus en plus fréquent. La politique ultra répressive de Sarkozy et les coups de couteaux portés sur nos droits, pour lesquels des millions d'hommes et de femmes se sont battus à travers le monde et l'histoire, en sont les seules et uniques causes. Et ces évènements sont d'autant plus choquants et monstrueux qu'il intervient en plein "débat" sur l'identité nationale (ou "comment mettre tout les problèmes des gens sur le dos des immigrés"). Puis quand on pense que la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS), une institution très efficace qui a permit, en statuant à charge et à décharge, de résoudre des affaires de bavures, va purement et simplement disparaitre, il y a de quoi péter un cable.
Pour information : le R de CRS signifie Républicaine...
Même s'il faut reconnaitre que les forces de l'ordre doivent souvent faire face à des situations difficiles, il est de leur devoir de rester républicaine. La discrimination, surtout quand elle est le fait des forces de l'ordre, de l'Etat comme avec notre cher Brice Hortefeux, Eric Besson ou encore Nicolas Sarkozy, est tout simplement insupportable.
Les injustices, la discrimination, le mépris des droits, sont des choses à bannir.